Une aide psychologique au procès pour les victimes et leurs familles, la chronique de Michel Zerbib

France.

Une aide psychologique au procès pour les victimes et leurs familles, la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

C’est une donnée importante de ces journées éprouvantes, la présence des psys. Ils ne sont que quinze et donnent pourtant l’impression d’être partout, à la fois discrets et aisément repérables grâce à leurs chasubles bleu marine floquées de lettres blanches. Dès l’entrée du palais de justice et jusqu’à l’intérieur de l’immense salle du procès, les douze psychologues et trois accueillants de l’association Paris aide aux victimes 75 sont là chaque jour pour guider, renseigner et venir en aide à ceux que l’émotion submerge. « On dit aux victimes de faire des pauses si elles se sentent débordées. Un procès, c'est très addictif », dit sa directrice Carole Damiani, elle-même psychologue.

Quand ce fut au tour des rescapés et des proches endeuillés de venir témoigner: ils ont raconté ce verre entre potes ou cette soirée d’anniversaire fracassés par les balles, la mort d’un fils, d’une amie, et leurs vies « bousillées ». De nombreux signaux d’alerte. Ces témoignages (dont j’ai fait de longs comptes rendus), indispensables pour comprendre ce qui s’est passé ce soir-là, sont aussi susceptibles de réveiller des traumatismes des victimes. "Ce qu’elles ont vécu et qui s’était un peu apaisé peut être réactivé. Elles peuvent alors de nouveau entendre les bruits, les cris, être sujettes à une profonde angoisse", explique Carole Damiani. Prostration, pleurs, agitation, sidération… Les signaux d’alerte sont multiples.

Les phases du procès sont parfois insoutenables et il est alors parfois nécessaire de les extraire de la salle d’audience pour les conduire dans l’un des espaces de repos situés à quelques mètres de là. Dans ces "sas de décompression", elles peuvent ainsi souffler, lire ou discuter si elles le souhaitent avec un psychologue. Certaines vont rester ici seulement quelques minutes avant de retourner à l’audience, d'autres plusieurs heures.

Les rares parties civiles qui acceptent de parler aux médias saluent unanimement la présence de cette cellule de soutien. "De repérer leurs visages et de savoir qu’ils sont là, il y a un côté rassurant, quelque chose d’enrobant, sans être envahissant", admet une rescapée du Bataclan. « Ils sont très attentifs lorsque les moments sont un peu difficiles », observe également Dominique Kielemoës, vice-présidente de l’association 13onze15 et mère de Victor Muñoz, tué à La Belle Équipe. À deux reprises, il lui est arrivé de flancher. « Tout de suite quelqu’un est venu me voir. »

Paris aide aux victimes peut s’appuyer sur sa longue expérience. Le premier procès d’ampleur auquel elle a participé remonte à 2002, avec celui des attentats de la gare Saint-Michel. Elle est depuis régulièrement saisie par le ministère public, en vertu de l’article 41 du code de procédure pénale qui permet au procureur de la République de solliciter une association pour venir en aide aux victimes. "À l’époque, on ne comprenait pas bien ce que les psychologues faisaient là", se souvient Carole Damiani. Aujourd’hui, la démarche est proactive. Le psychologue n’attend pas que les parties civiles viennent vers lui ; il propose. »

Il y a une webradio dédiée aux parties civiles qui ne peuvent pas assister à l’audience. Et une ligne d’assistance.

Autre nouveauté, un dispositif de soutien psychologique est également proposé aux autres participants de ce procès – avocats, journalistes ou greffiers. Un enseignement tiré du procès des attentats de janvier 2015 qui a montré que ces professionnels, même aguerris, pouvaient, eux aussi, être déstabilisés par ce qu’il s’y racontait. Certains journalistes chevronnés que je côtoie ont souffert.

"Bataclan terrorist attack – November 13, 2015 – Paris, France". Sur le site de vente d'art en ligne OpenSea, la légende est aussi claire que la photo est nette. Un chirurgien de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a donc mis aux enchères la radiographie d'une victime du Bataclan, blessée d'une balle sur l'avant-bras. Le prix de départ, de 2777 dollars, a été retiré après l'article de Médiapart publié samedi soir. L'annonce, elle, est toujours en ligne.

L'auteur de l'annonce, un chirurgien orthopédiste de l'hôpital Georges Pompidou à Paris, a reconnu les faits et évoqué une «connerie». Il aurait agi, dit-il, "dans une vocation pédagogique, pour intéresser les gens", mais avoue regretter cette mise en vente. D'un point de vue éthique, je me suis moi-même posé la question… En plus, ça m'a coûté de l'argent, c'est complètement débile !», a-t-il noté.

L'AP-HP et son directeur Martin Hirsch a dénoncé une publication "particulièrement problématique, choquante et indécente", une "action contraire au code de déontologie".

«C'est une honte», pour Arthur Dénouveaux, président de l'association des victimes du 13-Novembre «Life for Paris». «Les personnes mêmes qui sont censées nous soigner nous remettent la tête dans les attentats», dénonçant la "fascination" générée par les attaques terroristes de 2015.

Ces attentats, n’oublions pas, ont tué encore après novembre 2015. Qui se souvient parmi les récits, celui d'Alain, qui a raconté la descente aux enfers de son fils Guillaume. Ce jeune homme s'est pendu le 19 novembre 2017 à l'âge de 31 ans après avoir survécu à l'attaque du Bataclan, deux ans plus tôt.

https://youtu.be/PzUOdBp1EmA

Michel Zerbib

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