A 75 jours du premier tour de l’élection présidentielle, nous ne pouvons nous résigner à voir la France tiraillée par des courants identitaires aussi bien à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite de l'échiquier politique. Trop hauts dans les sondages, leur résonance en France demeure très préoccupante car ils sont parvenus à pénétrer les débats politiques, en faisant fi du passé et de notre mémoire collective. Ils hypothèquent notre avenir commun.
D’un côté, il y a ceux qui prônent l’union des droites pour mieux réhabiliter l’extrême droite et ainsi recourir à des lois d’exception comme ce fut le cas dans les années 30, et de l’autre il y a ceux qui réécrivent l’histoire quitte à piétiner l’universalisme qui était jusqu’à présent une des matrices de notre civilisation. A une extrême droite populiste, qui n’a jamais été aussi forte et décidée à déstabiliser notre société, répondent des courants de repli indigénistes et victimaires. Ces deux-là se renforcent l’un l’autre.
Que faire face à cette déferlante ? Il est grand temps de nous réapproprier notre identité nationale en y excluant toutes les empruntes de haine des faussaires de l’histoire.
Mercredi 19 janvier, un article du Figaro évoquait « la sainte alliance entre wokisme et islamisme » à Bruxelles. Sous couvert de lutter contre les discriminations contre les musulmans, des associations profitent de l'opacité et de la complaisance des institutions européennes pour toucher des subventions ou influencer les politiques communautaires. C’est ainsi qu’une campagne lancée par le programme pour l’inclusion et la lutte contre les discriminations du Conseil de l’Europe – programme cofinancé par la Commission européenne à hauteur de 340 000 euros, a pu voir le jour. Si elle fut rapidement retirée, elle a révélé les connivences nauséabondes entre les mouvances islamistes et certaines institutions européennes. Ces islamo-wokistes se définissent par leur appartenance à des communautés de race, de religion, ramènent les hommes ou les femmes, en toutes circonstances, à une catégorie sexuée synonyme soit de position « dominante » soit de position « dominée », et désignent comme des ennemis les tenants de positions antagoniques, qu’il s’agit dès lors non de convaincre mais de réduire au silence. C'est la funeste « cancel culture ».
A l’autre extrême, et tout aussi dangereux, se situent les « identitaristes », qui constituent une forme d’exacerbation de la définition communautaire de la citoyenneté. Dans cette optique, chacun est défini non pas par ses particularités et ses singularités mais par ce en quoi il est semblable à d’autres. C’est « l’inlassable promotion du même et du comme nous », écrivait le philosophe Laurent Dubreuil.
Dans les deux cas, ces idéologies se focalisent sur des symptômes et oublient la profondeur des combats. Pourtant il existe une autre voie, l’universalisme républicain et qui peut aussi transcender les partis politiques.
Comme le rappelle la sociologue Nathalie Heinich dans son recueil d’articles « Oser l’universalisme », « l’universalisme ne nie pas qu’il existe, factuellement, des différences de statut, ni des sentiments d’appartenance à un groupe, mais il vise leur dépassement, ou leur suspension dans le contexte d’exercice de la citoyenneté. »
Nous ne pouvons rester silencieux devant le révisionnisme et la manipulation de l’histoire. Nous ne pouvons accepter de voir l’extrême-droite et l’extrême gauche menacer la cohésion nationale. Leur lecture des événements est totalement délétère. Casser les statues, faire le procès de tous les personnages historiques ou au contraire redorer le blason des traîtres et minimiser la portée de leurs actions est tout aussi abject.
A l’heure où notre communauté nationale ne célèbre plus son unité qu’à quelques rares occasions, à l’heure où la République perd de son emprise sur de nombreuses sphères de la société, à l’heure où l’indivisibilité républicaine tend à être effacée par les racistes, les racialistes et autres racisés, il est temps de réagir et d’agir pour que notre nation reste la célébration de ses principes universels.
Alors que nous venons d’évoquer le 80ème anniversaire de la conférence de Wansée où fut élaborée et mise en œuvre la solution finale du peuple juif par les nazis, et que nous allons commémorer la journée internationale du souvenir de la Shoah à l’ONU le 27 janvier prochain, il nous semble plus que jamais d’actualité de revenir sur les fondamentaux de notre histoire politique. Ainsi, ce mercredi ELNET organise son 16ème atelier républicain intitulé « Vous avez dit extrême droite ? », auquel nous sommes heureux de vous convier. Nous aurons le plaisir de débattre avec Jean-Yves Camus, Brice Couturier, François Rastier et l’ancien Premier ministre Manuel Valls.
Se rappeler le passé pour mieux combattre les idéologies mortifères de notre présent. Tel est l’enjeu de notre action que l’injonction « Zakhor » (« souviens-toi »), ne saurait nous faire oublier pour rendre le futur possible et lumineux.
Arié Bensemhoun
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