Ce n'est évidemment pas à Israël à expliquer aux Juifs de diaspora qu'ils sont confrontés à l'antisémitisme. En revanche, il est important que les institutions et la population israéliennes prennent la mesure du phénomène. A ce sujet, deux études israéliennes, publiées à l'occasion de la journée mondiale à la mémoire des victimes de la Shoah sont intéressantes. Celle de l'Université Hébraïque de Jérusalem est consacrée à la perception par les Israéliens de l'antisémitisme dans les pays d'Europe. D'où il ressort que la majorité des Israéliens sont pessimistes pour leurs frères européens. Ils sont en effet 53% à estimer que la situation des Juifs en Europe va continuer à se dégrader, tandis qu'un quart d'entre eux pensent qu'elle restera stable. Parmi eux, ce sont les plus âgés et les plus religieux qui sont les plus pessimistes. Une vision qui contraste aussi avec celle de la population arabe israélienne, également sollicitée par les sondeurs et qui pense à plus de 50% que la situation des Juifs d'Europe ne changera pas, et même à 20% qu'elle va s'améliorer. Ce qui conduit au constat suivant qui enregistre encore un certain décalage entre Juifs et Arabes israéliens. Et c'est le lien entre la politique de l'Union européenne à l'égard d'Israël et l'antisémitisme. 40% des Juifs pensent que certaines décisions de l'UE peuvent être motivées par l'antisémitisme, tandis que 53% des Arabes ne voient aucun lien entre les deux. Cela dit, seul un tiers des Israéliens Juifs estiment que la critique d'Israël est une forme d'antisémitisme.
Dernier point à retenir de l'étude de l'Université Hébraïque de Jérusalem, le classement des pays d'Europe perçus par les Israéliens, comme les plus antisémites. Pour la population juive, c'est la France qui vient en tête, suivie par la Pologne, loin devant l'Allemagne, qui reste pourtant en première place chez les Juifs ultrareligieux. En revanche, les Israéliens laïcs, comme les Arabes, considèrent la Pologne comme le pays le plus antisémite d'Europe. Sans jugement de valeur, on peut pourtant mettre ces constats en parallèle avec le niveau de familiarité des différents secteurs de la population israélienne avec la réalité des différentes formes d'antisémitisme qui existent en Europe et de leur évolution. Si l'antisémitisme historique d'extrême-droite est bien connu, celui de l'extrême-gauche et de l'islamisme radical semblent moins intégrés, en particulier par les Arabes israéliens.
Ce qui amène à la deuxième étude publiée cette semaine, cette fois par le ministère israélien aux Affaires de diaspora et qui constate que 2021 a été l'année la plus antisémite de la dernière décennie, en termes de nombres d'incidents. Si la crise sanitaire a largement alimenté la haine antijuive, les onze jours de guerre du mois de mai entre Israël et le Hamas ont aussi suscité un pic d'incidents antisémites. Le ministère israélien s'est appuyé notamment sur une veille des réseaux sociaux. Nachman Shaï, chargé du portefeuille de la diaspora au gouvernement israélien a d'ailleurs appelé les dirigeants politiques à prendre conscience de la gravité du phénomène et à aider les communautés de diaspora à y faire face.
Pascale Zonszain
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