On essaye toujours de comprendre dans ce procès comment et à quel degré les accusés sont radicalisés. Les quartiers d’évaluation de la radicalisation ont été créés à la suite des attentats de 2015. Y sont regroupés, pour une durée déterminée, des détenus pour des faits de terrorisme islamiste ou suspectés de radicalisation. Le but des QER est précisément d’évaluer leur degré de radicalisation. Il en existe six à l’heure actuelle en France. Raphaële Cade s'avance à la barre et explique la démarche du QER de Flery-Mérogis, qui a vu passer 100 détenus, par groupes de "douze profils" pour une durée de quinze semaines. Au départ il s'agissait de détenus pour des faits de terrorisme, ensuite des détenus qui présentaient un profil de radicalisation en détention.
Concernant Muhammad Usman, passé par le QER en février 2020, Raphaële Cade nous informe que du fait de la situation sanitaire à l'époque, il n'y a pas eu l'encadrement habituel, notamment les entretiens prévus dans la prise en charge QER. Elle explique que l'accusé n'a pas parlé de son parcours en Syrie mais qu'il était "dans le regret" de son attitude et d'avoir "accepté certaines missions". Aucun problème d'ordre disciplinaire n'a été relevé, elle évoque un homme "constant" et "respectueux". Elle décrit un détenu "vulnérable" qui avait une vision du monde assez "immature, enfantine".
Selon elle, il n'avait pas beaucoup de connaissances idéologiques. "Il aurait pu faire une proie facile pour l'Etat islamique". Selon elle, son passage au QER a été marqué par un "désengagement total" de l'idéologie de l'Etat islamique.
Elle dépeint un détenu "simple" qui se serait rendu compte en Autriche qu'il n'avait pas voulu ça. Ce que l'accusé a effectivement dit mardi à la cour, lors de son interrogatoire. Mais il y a un risque qu'il rencontre des détenus prosélytes écrivait-elle dans son rapport à la fin de son passage par le QER. Cela a d'ailleurs été le cas au QER où il a rencontré un détenu charismatique .
Le président Jean-Louis Périès interroge donc le témoin sur le risque qu'il soit à nouveau influencé. Raphaële Cade explique qu'elle avait sollicité un programme de prévention …
Interrogée par l'un des avocats de Muhammad Usman, Me Merabi Murgulia, Raphaële Cade explique que l'accusé exprimait des "regrets" quant à ce qu'il avait fait et qu'il désirait rentrer au Pakistan. Qu'il souhaitait "sortir" de son embrigadement.
L'avocat remercie le témoin : "Vous êtes le seul témoin pour monsieur Usman dans ce procès, merci pour votre participation."
la parole est ensuite aux avocats des parties civiles. Me Samia Maktouf demande au témoin si elle aurait pu être abusée de la "taqiya"(la dissimulation de sa croyance) de Muhammad Usman. Raphaële Cade confirme qu'il s'agit de l'art de la dissimulation et que le personnel du QER est formé à le déceler et conteste avoir été une proie.
Me Sylvie Topaloff s'étonne du rapport du témoin qui évoque une "faible connaissance religieuse" alors qu'il a étudié dans une madrassa et qu'il est décrit comme très pieux.
Raphaële Cade explique que c'est une information qui vient de l'imam qui intervient au sein du QER et qui a été recueillie après plusieurs entretiens. L'avocate générale Camille Hennetier lui demande en quoi consiste les activités faites par les détenus au QER. Elle détaille des entretiens individuels, des activités artistiques avec une professeure, des ateliers de gestion du stress ainsi que des interventions de l'éducation nationale.
Comment est déterminé la sincérité d'un détenu du QER ? Raphaële Cade détaille : "les faits observés, les appels téléphoniques, les courriers, des échanges avec des familles…" "Mais dans le cas de monsieur Usman, il n'y avait pas tout ça, pas de parloirs... comment huit entretiens en langue française avec lui vous permettent d'attester de sa sincérité ?" demande l'avocate générale. Le témoin reconnaît que c’est une appréciation .
"Concernant mon cousin Atar Yassine, je pense qu'il est totalement innocent, il est victime de ce que j'ai été moi-même victime il y a quelques années", déclare le témoin à la barre.
Explication : Jawad Benhattal a lui-même été mis en examen dans un dossier terroriste en Belgique pour un projet d’attentat dans une fan zone lors de l’Euro 2016. En 2010, l’homme avait également participé à un braquage ultraviolent au cours duquel Khalid El Bakraoui avait tiré sur un policier.
"Une chose comme ça, il y aurait jamais participé. Si je suis ici présent, c'est aussi pour les parties civiles, les victimes, je leur souhaite beaucoup de courage..."
Très vite, il délivre un monologue pour dire qu'il y a eu une enquête à charge à son encontre en Belgique et dire que son cousin est innocent et qu'il ne faisait pas confiance aux frères El Bakraoui.
Le témoin volubile "j'ai regretté d'être allé voir leurs corps à la morgue, j'en n'ai pas dormi des semaines, des mois après, mais j'ai eu besoin d'être sûr que c'était des gens que je connaissais depuis que j'étais enfant qui avaient commis ces atrocités", dit encore le témoin
"Avec tout ce qui s'est passé, toute ma vie je serai marqué. Les conditions de détention pour terrorisme, c'est inhumain. Il y a rien pour la réinsertion, les autres vous fuient comme la peste…"
L’absence d’un témoin en particulier, la juge belge Sophie Grégoire, qui a instruit le dossier des attentats de Bruxelles a créé des remous hier chez les avocats de la défense qui estimaient sa venue cruciale et ont demandé au président de ne pas passer outre. Sophie Grégoire, qui devait témoigner ce jeudi, a écrit dans une lettre vouloir garder ses observations pour le procès des attentats de Bruxelles ; La cour en a été TRÉS agacée .
Michel Zerbib
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.