Dans la nuit du 30 au 31 janvier, les milices Houthis pro-iraniennes n'avaient pas hésité à tirer un missile balistique sur Abu Dhabi pendant la visite officielle du président israélien aux Emirats arabes unis. Cette fois-ci, la visite du ministre israélien de la Défense a été tenue secrète jusqu'à son arrivée, probablement pour éviter tout risque inutile. C'est à bord d'un appareil de l'aviation de Tsahal que Benny Gantz est arrivé hier après-midi à Manama, après avoir survolé le territoire de l'Arabie Saoudite, ce qui en soit, est déjà un événement. Le ministre israélien de la Défense doit signer un protocole d'accord de coopération sécuritaire entre Israël et le Bahreïn.
La visite de Benny Gantz intervient donc dans un contexte de tension régionale, où le conflit au Yémen devient un facteur de déstabilisation qui déborde sur les Etats voisins, impliqués dans la coalition anti-iranienne. Israël et le Bahreïn ont signé un traité de paix en septembre 2020 et le ministre israélien des Affaires étrangères s'est déjà rendu à Manama en septembre dernier. Yaïr Lapid avait partagé sa visite entre des entretiens diplomatiques avec les dirigeants bahreïnis et une invitation au commandement de la 5e Flotte américaine, basée au Bahreïn. Benny Gantz suivra exactement le même programme. La marine de Tsahal a d'ailleurs participé pour la première fois aux manœuvres navales conduites par la 5e Flotte et auxquelles prenaient part plusieurs marines de la région, y compris de pays avec lesquels Israël n'a pas de relations diplomatiques, comme l'Arabie Saoudite, le Yémen et le Pakistan. Les Etats-Unis ont par ailleurs envoyé un destroyer lance-missiles pour renforcer les défenses des Emirats arabes unis contre les attaques des milices houthies contre son territoire.
Via sa milice supplétive au Yémen, l'Iran avait adressé un message de menaces à Israël lors de l'attaque de lundi contre Abu Dhabi, en accusant le gouvernement émirati d'être manipulé par Israël. Cette escalade explique aussi l'intérêt croissant des nouveaux alliés sunnites pour la coopération sécuritaire avec Israël, mais aussi pour son armement. Les Emirats envisagent notamment d'acquérir des batteries de défense aérienne Dôme de Fer pour protéger leur territoire contre les attaques de missiles en provenance du Yémen. Ce serait la première fois qu'Israël vendrait un tel matériel à un pays arabe. Une décision évidemment délicate, mais qui irait dans le sens d'une coopération de défense régionale contre l'Iran, qui intéresse autant Israël que les monarchies sunnites du Golfe.
Israël n'est pas impliqué dans le conflit qui déchire le Yémen depuis huit ans, mais il considère que c'est un front supplémentaire dans la mesure où l'Iran y arme et contrôle des milices séparatistes qui pourraient aussi viser le territoire israélien avec leurs missiles balistiques, mais également avec des missiles et des drones, les navires civils et militaires israéliens qui circulent dans l'océan Indien. Des attaques se sont déjà produites, visant notamment un cargo lié à un armateur israélien il y a quelques mois et qui avait coûté la vie à deux membres d'équipage. La visite du ministre israélien de la Défense au Bahreïn est donc un nouveau signe du renforcement de l'alliance régionale avec les pays sunnites du Golfe.
Pascale Zonszain
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