L’ombre d’Oussama Attar a plané sur la seconde audience consacrée à Yassin Attar, la chronique de Michel Zerbib

France.

L’ombre d’Oussama Attar a plané sur la seconde audience consacrée à Yassin Attar, la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

Il a beaucoup été question du frère de l’accusé, mercredi : Oussama Atar, le commanditaire présumé des attaques. Un vétéran du djihad, haut gradé du groupe État islamique. Également accusé, il n’a jamais été interpellé et aurait été tué en 2017 en Syrie, lors d’une frappe de drone. Plusieurs témoins ont donc déposé, en visioconférence ou à la barre, mercredi. Parmi eux, la sœur et l’oncle de Yassine Atar. Ils ont assuré que l’accusé ne s’était pas radicalisé. Et ont été interrogés sur les rapports entre les deux frères Atar.

La liaison s’est établie avec la Belgique. A l'image d'une salle de réunion, avec, face à l'objectif de la caméra, une femme de 39 ans en imperméable, portant un foulard, qui s'exprime d'une voix claire et posée : Iman, la sœur de Yassine Atar. 

Elle "condamne de manière très forte ces actes barbares, injustes et inhumains." Et puis elle aborde le sujet de son frère, "désigné coupable" par "soupçon", par "association". Yassine Atar est le "frère de...", le "cousin de..." et, selon elle, il est "évident que s'il se retrouve dans le box, c'est à cause de ça". 

Iman Atar dénonce encore "l'enquête à charge" menée, toujours d'après elle, par les services belges. Jean-Louis Périès explique qu'elle va être interrogée sur ses frères, elle s'excuse, et le coupe. "Je n'ai qu'un frère : c'est Atar Yassine", dit-elle. Oussama ? "Je ne le considère plus comme frère", ajoute encore Iman Atar. Jean-Louis Périès revient sur Oussama Atar.

Il était "un cadre supérieur de l'Etat islamique, vous l'ignoriez ?" Pourtant, Oussama Atar est parti en direction de la zone irako-syrienne dès 2003. 

D'abord en Syrie. Puis en Irak, où il a combattu les troupes américaines. Il a ensuite été fait prisonnier par les troupes de la coalition internationale alors déployées dans le pays. N'était-elle pas au courant, d'autant qu'un comité de libération avait été mis en place et qu'elle en avait fait partie ? "A aucun moment, je n'ai pensé qu'il était en Syrie", ajoute-t-elle. En revanche, interrogée par le président, Iman Atar indique qu'elle a été mise au courant de la détention de son frère en Irak, par le ministère des Affaires étrangères belge et la Croix-Rouge.

2013, Oussama Atar repart en direction de la zone irako-syrienne. Là encore, Iman Atar dit qu'elle n'était pas au courant. Il y a pourtant eu des communications, insiste le président. "Il ne nous a jamais dit où il se trouvait", poursuit Iman Atar. 

Pourtant, indique encore Jean-Louis Périès, l'exploitation de messages montre qu'Iman et Oussama ont eu des contacts, notamment en 2015. Quand a-t-il recommencé à la contacter ? Réponse : "Je ne saurais pas vous dire. Sincèrement." Réponse : "C'est très simple monsieur le président : Yassine n'a jamais été radicalisé." 

Elle brosse ensuite le très rapide portrait d'un homme plus intéressé par son apparence que par la religion, "bien habillé, bien coiffé", qui aimait le sport et sortir. L'avocat général Nicolas Le Bris s'exprime à son tour. Il revient sur moment où Iman Atar a considéré qu'Oussama n'était plus frère. Il demande si sa conviction a pris corps en septembre 2021, au début du procès. Réponse : "Je ne donnerai pas de date précise, mais c'est durant ce procès-ci." 

Le magistrat lui demande si elle ne voit pas une forme de paradoxe à considérer, en cinq mois de procès, que l'un de ses frères ne l'est plus en raison de son rôle supposé dans ces attentats, alors que l'autre est victime d'une sorte de machination. "Non", répond Iman Atar. Elle dit qu'elle connaît bien Yassine alors qu'Oussama, lui, est "parti." Répète que Yassine est "innocent", que l'on s'est "acharné" sur lui. 

Me Gérard Chemla l'interroge sur la place de la religion dans la famille. "On a l'impression qu'il y a une espèce de combat entre Oussama et Yassine, auprès des femmes de la famille, pour être le référent religieux". "On est encore une fois dans l'interprétation", répond Iman Atar. "Il n'y a pas de problème de religion chez nous", ajoute-t-elle, précisant :

"On est tous allés dans des écoles catholiques." Me Christian Saint-Palais, l'un des avocats de Yassine Atar, prend la parole. "Il me semble acquis que votre frère Oussama était acquis aux thèses de l'Etat islamique", dit-il. Et compte-tenu de la proximité entre les frères, "il y a des questions qui doivent être posées, légitimes." 

Il s'agit de Moustapha B., oncle de l'accusé. Le quadragénaire est présent à la barre ,parle d'une voix forte et dit vouloir déposer avec la "puissance d'être sincère". "Je m'incline devant les familles des victimes". "Quand Atar Yassine dit qu'il condamne les attentats, il le fait sincèrement." Le président Jean-Louis Périès l'interroge aussi Oussama Atar son autre neveu.

Pour lui, celui qui revient en Belgique dix ans après avoir combattu les troupes de la coalition en Irak et avoir été incarcéré dans le pays : radicalisé, "fondamentaliste dans sa pratique de la religion." Tout le contraire de Yassin pour lui. L'oncle évoque des SMS, effacés, qui ont été retrouvés par les enquêteurs belges. "Des messages d'amour", dit-il : selon lui, l'accusé avait une aventure extraconjugale... Yassine Atar est "le fils spirituel de Bacchus, le Dieu du vin et du sexe [sic]", dit le tonton baroque

Il "écumait tous les bordels de Tanger". Rien à voir avec l’intégriste Ousama. Me Christian Saint-Palais interroge à son tour Moustapha B. Était-il au courant d'éventuels projets terroristes de son client, Yassine Atar ? La réponse arrive immédiatement, d'une voix forte mais posée : "Jamais, sinon je l'aurais dénoncé." Paul C. n'est "ni témoin ni victime des faits." "Athée, il ne supporte pas l'intégrisme religieux." Pourquoi vient-il déposer aujourd'hui ? Depuis douze ans maintenant, l'homme est visiteur de prison.  Il a rendu visite à Yassine Atar "à peu près 60 fois" depuis septembre 2018 au parloir du quartier d'isolement de la maison d'arrêt de Fresnes, en banlieue parisienne, puis ailleurs, à Fleury-Mérogis par exemple. Enfin d’audience le président Jean-Louis Périès lit désormais un procès-verbal d'une audition de Nouzha C., l'ex-épouse de Yassine Atar. Audition qui remonte à 2017.  Interrogée sur son mari, elle y décrit un "fan" de l'émission de caméra cachée François l'embrouille, qui aime aussi le football, les voyages...

Les enquêteurs lui font remarquer que Yassine Atar tient des propos pouvant laisser à penser qu'il s'est radicalisé. Ils lui demandent si elle a observé des changements dans son rapport à la religion ? Réponse : "Non, je n'ai pas remarqué de changement." 

L’ombre d’Oussama Attar a donc plané sur l’audience même si son frère s’en sort relativement bien sur cette séquence mais ce n’est pas fini pour lui.

https://youtu.be/A7gB8G4c1tY

Michel Zerbib

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