La cour d’assises spécialement composée poursuit ses interrogatoires qui ont été notamment interrogés sur le processus de radicalisation. Après Yassine Atar mardi et mercredi, deux autres accusés ont été entendus jeudi : Hamza Attou et Ali Oulkadi. Ces deux accusés comparaissent pour avoir joué un rôle dans la fuite de Salah Abdeslam, seul membre des commandos terroristes encore en vie, après les attentats. Ils encourent, respectivement, 6 et 20 ans de prison. Hamza Attou comme Ali Oulkadi comparaissent libres, ils ont été placés sous contrôle judiciaire.
Hamza Attou a arrêté en Belgique au lendemain des attentats, il ensuite été remis à la France en juin 2016, puis incarcéré avant d’être remis en liberté en mai 2018.
Ali Oulkadi, lui, a été interpellé le 22 novembre 2015, en Belgique. Remis à la France en avril 2016, il a également été incarcéré, avant d’être lui aussi placé sous contrôle judiciaire en juin 2018.
Première question à Hamza Attou concernant les frères Abdeslam. De Salah ou Brahim, qui connaissait-il le mieux ? Réponse : Brahim. Fin août 2013. L'accusé porte un masque noir, un pull de la même couleur. Les cheveux légèrement relevés en l'air et coiffés en arrière, il a posé les mains sur la barre.
S’agissant des frères Abdeslam comme d'autres accusés "non monsieur le président, je n'ai jamais remarqué de signes de radicalisation", dit-il. Une précision, concernant Brahim Abdeslam : "Avec le recul, en 2022, je peux dire que je ne le connaissais pas vraiment, en fait." "Mon travail, c'était la vente de stupéfiants", précise Hamza Attou.
Il dit n'avoir jamais vu de vidéos de propagande terroriste dans le café : il n'a "jamais assisté à ces scènes là", n'y a "jamais prêté attention", précise qu'il était "le plus jeune dans le café." Hamza Attou précise qu'à l'époque, en 2015, il était "peu instruit sur ces sujets là", comprendre ceux du terrorisme. Et dit qu'il ne connaissait alors pas la nature des vidéos qui y étaient regardées sur cet ordinateur portable du café des Béguines.
L'un des deux frères avait-il l'ascendant sur l'autre, demande le président ? Y avait-il un meneur ? "Je ne saurais pas vous dire ça. Mais en tout cas Brahim était le grand frère de Salah. Et Salah éprouvait du respect pour son grand frère." Le président interroge Hamza Attou sur ce jour de janvier 2015, quand il a amené Brahim Abdeslam à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem.
Ce dernier disait partir en voyage en Turquie, il s'est en réalité rendu en Syrie.
L’accusé dit ignorer la volonté de Brahim Abdeslam de se rendre en Syrie mais sa parole semble peu crédible parce que ce n'est pas ce que disait Rafik E., qui lui aussi était du trajet à l'aéroport, avec d'ailleurs Ali Oulkadi. L'avocat général Nicolas Le Bris se lève. Lui aussi revient sur les vidéos. Ali Oulkadi a dit que quand les images étaient diffusées, "toutes les personnes dans le café pouvaient les regarder", et qu'il y avait des "débats" sur le sujet. Hamza Attou redit ne pas les avoir vues. "Le café était connu pour trafic de stupéfiants", dit encore l'accusé. Selon lui, s'il y avait eu radicalisation, "les autorités belges seraient venues nous arrêter."
C’est le moment des parties civiles. Me Didier Seban, se lève. "On a du mal à vous croire", dit-il. "Je ne suis pas là pour que vous me croyez, je suis là pour dire la vérité", répond vivement l'accusé. La défense veut à juste titre se servir de cet accusé pour marquer des points par rapport à leur client Salah AbdeslamMe Olivia Ronen l'interroge sur ses impressions sur Salah Abdeslam, à l'époque : "Il a toujours été bienveillant envers moi", répond-il. "Non... Je sais que c'est dur à croire." Il ajoute, toujours au sujet de Salah Abdeslam : "Certes, je lui en veux aujourd'hui. C'est normal. C'est logique." Il redit toutefois que "Salah et Brahim n'ont jamais eu de mauvaises intentions envers moi."
Olivier V. a travaillé au sein de l'administration de Molenbeek entre 2014 et 2020. A l'époque, il gérait "toute la politique de prévention" de la municipalité, qui a intégré entre autres, "une cellule de prévention du radicalisme violent." Il était le "monsieur radicalisation", comme il le dit lui même. Olivier V. raconte ses premières rencontres avec Hamza Attou. Il décrit "quelqu'un de relativement brisé par un an et demi de détention."
L'une de ses collègues et lui estiment que l'accusé "n'est pas dans un processus de radicalisation." Plusieurs éléments expliquent ce constat. Hamza Attou est d'abord entouré par "une famille bienveillante", sa sœur ou son frère. Autre question, plus générale : "Quelle est la place de l'islam dans l'espace public à Molenbeek ?" C'est une "commune hétérogène", précise d'abord Olivier V. Une commune qui "attire pas mal de familles belges, françaises et mêmes hollandaises", où "l'islam est également une composante de la réalité sociale à tous les points de vue."
Une "composante qui est devenue inhérente à Molenbeek", ajoute Olivier V., qui tient à préciser "que l'on ne parle pas d'un islam radical ni homogène": il y a "autant de musulmans que d'individus qui se réclament de l'islam à Molenbeek." Et dans quelle mesure les vidéos de Daech dont il a été question plus tôt circulaient-elles à Molenbeek ?, questionne Me Olivia Ronen.
Réponse d'Olivier V. : non, les vidéos ne circulaient pas parmi toute la population. En revanche, elles ont été visionnées par des personnes n'ayant pas d'intention violente, selon lui. Me Olivia Ronen sais l’occasion : "Si on peut conclure en un mot, on peut se dire que regarder, ce n'est pas adhérer ?" Olivier V. réfléchit quelques instants, puis : "Non... je ne pense pas."
Quelques minutes Ali Oukaldi l’autre accusé dira tout le contraire : les frères Abdeslam étaient radicalisés et particulièrement Brahim Abdeslam.
Michel Zerbib
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