Le procès Netanyahou est suspendu jusqu'au 13 février. Ainsi en ont décidé les juges du tribunal de District de Jérusalem, qui ont accordé ce délai au parquet, pour qu'il fournisse des explications sur l'implantation par la police du logiciel espion Pegasus dans le téléphone cellulaire d'un des témoins clés du procès. Depuis les premières révélations du journal économique Calcalist, le média a fourni d'autres noms de cibles présumées, dont d'anciens conseillers de Benyamin Netanyahou, un de ses fils et même une des co-accusés au procès.
Les avocats de l'ancien Premier ministre israélien ont évidemment réclamé l'accès à toutes les informations et une suspension des débats. Selon ce qui sera présenté dimanche prochain par les magistrats de l'accusation, ils pourraient ensuite réclamer une annulation pure et simple de l'acte d'accusation contre leur client.
Mais les choses ne sont pas si simples. S'il se confirme que la police a effectivement fait un usage illégal ou dépassé les limites du mandat que lui a donné le tribunal pour mettre sous surveillance des témoins ou des suspects, cela peut changer la dynamique du procès. Shlomo Filber, l'ancien conseiller de Benyamin Netanyahou, est un témoin clé pour le chef d'accusation le plus grave, celui de corruption, qui pèse sur l'ancien Premier ministre. Si les données qui ont été extraites de son téléphone étaient sans rapport avec l'affaire, et qu'elles ont été utilisées pour faire pression sur lui, Shlomo Filber, qui doit bientôt déposer devant le tribunal, pourrait revenir sur son témoignage. C'était en échange de l'abandon des charges contre lui, qu'il avait accepté de devenir un témoin pour l'Etat, c'est-à-dire pour l'accusation.
Si des abus graves sont avérés, les avocats de Benyamin Netanyahou et ceux de ses co-accusés pourraient donc demander une annulation de l'acte d'accusation – ce qui mettrait fin au procès - ou au moins sa révision, sur le principe de la procédure abusive. C'est ce qui se produit dans le cas où les droits fondamentaux de la défense ne sont pas respectés, rendant impossible le déroulement normal et équitable du procès. Un argument très rarement accepté par les juges qui ne l'appliquent que dans des cas extrêmes. Et il n'est pas certain à ce stade que ce qui s'est passé dans l'instruction des dossiers contre Benyamin Netanyahou entre dans cette catégorie.
Car il y a un second problème : celui de la recevabilité de la preuve. Même si des preuves ont été obtenues en accédant à des données qui n'auraient jamais dû tomber aux mains des enquêteurs grâce à la technologie du logiciel espion, il n'est pas certain que les juges décident de rejeter ces preuves. Sur ce point, la jurisprudence israélienne est plutôt clémente et annule très rarement ce genre de preuve. Dans certains cas, elle se contente de réduire leur poids dans la balance. C'est pour changer ce système que le ministre de la Justice Gideon Saar est d'ailleurs en train d'élaborer un projet de loi, qui s'inspire du modèle américain et qui invalidera des preuves obtenues illégalement, sur le principe dit du "fruit de l'arbre pourri". Le sort du procès de Benyamin Netanyahou est donc encore loin d'être scellé.
Pascale Zonszain
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