Que peut on apprendre vraiment sur Salah Abdeslam au procès des attentats du 13 novembre 2015? Bien sur qu’il est, parmi les quatorze accusés présents, celui dont on attend le plus. L’homme était à Paris le soir des massacres avec un gilet explosif. Lui n’est pas mort, contrairement à tous ces compères tueurs de ce soir-là.
Contrairement aux Mohamed Merah, Amedy Coulibaly et les frères Kouachi qui n’auront jamais été jugés. Et pendant les cinq ans qu’a duré l’instruction, Abdeslam n’avait pas fait de déclaration , gardant une sorte de mystère inquiétant.
Sans doute cet homme, ma foi ordinaire, est devenu une sorte de fantasme, l’incarnation du mal, celui qui en saurait beaucoup sur l’État islamique (EI) et qui ne voudrait rien en dire.
Or, Salah Abdeslam est un fou de dieu, un extrémiste plutôt banal. Le prisonnier - comme ses comparses de box revendiquent fièrement leur allégeance à l’EI pour rehausse une personnalité médiocre.
On sait dorénavant qu’il n’était qu’un jouet pour les chefs de Raqqa et l’on a compris que ceux là n’ont pas révélé leurs plans à un individu qui n’a même pas fait le voyage initiatique de la Syrie. L’enquête, n’aurait même pas besoin de lui en réalité, elle qui a permis de retracer le déroulement des tueries, de leur planification à leur exécution. Pourtant, il est intéressant d’écouter Salah Abdeslam. On entend aux assises un homme que cinq années de détention sévères n’ont pas brisé.
Un homme qui sait bien l’importance de ce procès ou il encourt la perpétuité. Il veut se défendre. Avec l’argument le plus simple mais le plus important quand il déclare «Je n’ai tué personne».
Salah Abdeslam parle un français parfait on observe qu’il n’est pas fou, ni idiot. (Son discernent n’est pas aboli tient cette fois les psychiatres). Non c'est un militant de l’EI, convaincu que les attentats sont une réponse légitime aux frappes anti-Daech de la coalition internationale dont la France faisait partie. Il pense que la charia la loi de l’islam est la seule loi est indépassable et que «l’islam triomphera de gré ou de force».
Je veux mettre l’accent sur ce qui n’a pas été assez pointé par la presse. Car il prophétise qu’«en Europe il y a des gens qui ont prêté allégeance à l’EI, discrets maintenant et qui vont s’activer à un moment». Il met en garde ses juges contre les sanctions trop lourdes qui toucheraient, «dans les affaires de terrorisme», ceux qui n’ont tué personne (comprenez comme lui).
Car explique t- il de façon sibylline, cette sévérité pourrait dissuader de futurs tueurs de masse de «faire marche arrière». Comme lui qui n’a pas déclenché son gilet de kamikaze. Salah Abdeslam a fait de son procès une tribune pour l’«islam politique et militaire». Avec le risque que l’individu ne redevienne un héros fantasmé pour d’autres jeunes qui se croient méprisés
Le trio Ayari-Bakkali-Abdeslama impressionne et surprend par sa capacité oratoire (surtout Ayari d’une intelligence au dessus de la moyenne). Ces hommes ont un seul mot à la bouche pour se justifier : l’humiliation ! Daech leur a proposé d’être enfin des vainqueurs. Et eux, pour le remercier, se sont dépouillés de toute leur humanité pour épouser la bestialité vertus de violence sauvages qu’ils croient l’apanage des musulmans. Des vrais musulmans selon eux.
Comment devient on un tueur fanatique ? Le procès du 13 Novembre nous donne à observer la transformation d’hommes qui pourtant délivrent un discours calme et froid sans haine apparente. Mais ils sont pourtant toujours fanatisés. On le répète Salah Abdeslam est moins inquiétant pour ce qu’il a commis en 2015 que pour ce qu’il annonce de ces hommes si facilement endoctrinés et habitués à pouvoir répandre le sang.
Michel Zerbib
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