Comment contenir le potentiel d'escalade locale et régionale des nouvelles tensions qui secouent le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem ? La première mesure est évidemment de rétablir l'ordre et le calme entre résidents arabes et juifs de cet ancien quartier juif de Shimon Hatsadik d'avant l'indépendance, devenu arabe lors de l'occupation jordanienne de 1949 et jusqu'à la guerre des Six Jours. La présence policière va être renforcée et la mairie de Jérusalem a annoncé la mise en place de caméras de surveillance.
Ensuite, il reste à éviter la propagation de la tension. A Jérusalem, il y a désormais trois points hautement sismiques : Sheikh Jarrah, la Porte de Damas et le Mont du Temple. Au printemps dernier, les trois s'étaient successivement embrasés, conduisant à des émeutes dans les villes israéliennes à population mixte, jusqu'à la récupération de la crise par le Hamas à Gaza, qui s'était posé en défenseur de Jérusalem, avait adressé un ultimatum avant de tirer six roquettes contre la capitale israélienne au soir du 10 mai 2021. On se souvient des onze jours de guerre qui avaient suivi.
Dix mois plus tard, est-on revenu à la même situation ? Ce n'est pas encore certain. A Sheikh Jarrah, les composantes sont les mêmes. Le contentieux foncier n'est toujours pas réglé. Plusieurs ordonnances d'expulsion de familles arabes doivent être émises par les tribunaux. Et la cohabitation avec les familles juives qui s'installent dans le quartier se traduit par des incidents quotidiens. De plus, l'arrivée du député ultranationaliste Itamar Ben Gvir, qui a installé son bureau devant une maison juive incendiée en signe de solidarité, a fait l'effet d'un chiffon rouge et la violence a redoublé.
Ce qui lui a valu les condamnations de l'ensemble de la coalition. Le Premier ministre israélien l'a qualifié de "provocateur prêt à mettre le feu à la région pour des gains politiciens", le mettant d'ailleurs au même rang que les députés arabes qui soutiennent le camp adverse. Et c'est pour l'instant l'obstacle principal pour Naftali Bennett. Au printemps 2021, quand Ben Gvir, nouvellement élu, avait pour la première fois établi son QG à Sheikh Jarrah, Benyamin Netanyahou était encore Premier ministre et espérait bien former un gouvernement avec le parti Sionisme Religieux. Aujourd'hui Ben Gvir est dans l'opposition et n'a aucun intérêt à faciliter la tâche de Naftali Bennett, qui rejette son extrémisme.
Quant au Hamas, il fait monter la pression, mais par étapes. En 2021, plusieurs facteurs l'avaient servi. D'abord, la crise avait débuté pendant le mois de Ramadan. Ensuite, le chef de l'Autorité Palestinienne venait d'annuler les élections législatives et présidentielles prévues quelques semaines plus tard et attendues depuis plus de quinze ans. Enfin, la situation dans la Bande de Gaza était nettement plus mauvaise qu'aujourd'hui. Si le Hamas est encore occupé à réparer les dégâts infligés à son infrastructure terroriste par les bombardements de Tsahal, la consolidation de la trêve a permis à plus de 10.000 Gazaouis d'aller travailler tous les jours en Israël et de ramener des millions de shekels à l'économie de l'enclave. Et Israël a aussi élargi l'approvisionnement en carburant et en électricité. La population de Gaza aimerait bien ne pas repartir en arrière. Cette fois, le Hamas aurait donc quelque chose à perdre.
Pascale Zonszain
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