A la différence de mes enfants qui, tout petits, ne connaissaient pas ces technologies même si la TV en couleur existait déjà, les plus jeunes s’en sont emparés brutalement ces dernières années pour jouer, apprendre, passer le temps, communiquer. Et la question s’est vite posée de l’attitude que nous devions, nous parents ou grands-parents, adopter pour les laisser profiter de ces outils fort utiles sans qu’ils n’en subissent les conséquences. Je me souviens d’un ouvrage écrit en 2019 par Michel Desmurget, chercheur en neurosciences de l’Inserm, dont le titre m’avait interpellé, « La fabrique du crétin digital », au Seuil.
Il constatait que les enfants, dès l’âge de 3 ans, passaient en moyenne 3h par jour devant un écran, temps qui doublait chez les ados qui y consacraient eux, plus de 6h30 d’usage récréatif. Et il faisait un calcul prospectif effrayant qu’il déplorait. A l’âge de 17 ans, ils auront, écrivait-il, passé ou perdu 5 années de temps cumulé devant un écran (TV, console smartphone, tablette) avec un cerveau non formaté pour un usage si particulier et intensif. Les dernières enquêtes per-Covid estiment que plus de la moitié des enfants a augmenté sa consommation d’écrans de 63% chez les 11-14 ans, de 64% chez les 15-17 ans.
D’après les spécialistes avec des conséquences négatives sur le langage, la concentration, la mémoire, la lecture, le développement physique et cérébral, le sommeil, les relations sociales, le poids… d’où le titre choc de son livre. Et les risques existent bien entendu d’’un isolement, d’un surpoids, d’une addiction…
Les solutions ont été édictées en 2008 par le Dr Serge Tisseron, médecin-psychiatre qui a proposé la règle des 3-6-9-12 ans. Avant 3 ans, l’exposition passive excessive aux écrans, sans présence humaine interactive et éducative, est clairement déconseillée. Elle ne les aide pas à apprendre à parler. Entre 3 et 6 ans, des jeux vidéo ou des outils numériques adaptés peuvent avoir un intérêt pédagogique pour lire, compter et communiquer à distance avec les membres de la famille… mais durant des plages de temps courtes. Mais évidemment, pas de TV, d’ordinateur ou de tablette à table et dans la chambre de l’enfant. Et attention aux infos en fond sonore, parfois traumatisantes pour eux, s’ils ne sont pas accompagnés. Entre 6 et 12 ans, les outils numériques constituent un progrès pédagogique mais il faut veiller à un usage abusif, et les accompagner lors de leurs premiers pas sur Internet… où ils peuvent aller grâce aux smartphones. Et essayer de leur interdire les réseaux sociaux avant 12 ans. Après cet âge, attention aux excès dans un monde virtuel et à la possibilité d’addiction (10% des enfants-joueurs vidéo deviennent dépendants). Attention également au cyberharcèlement, aux images porno, d’où la nécessité de renforcer le contrôle parental. Veiller également au copier-coller sur Wikipedia ou autres pour des devoirs plus vite expédiés. Et ne pas oublier de déconnecter le réseau la nuit.
Les écrans constituent un progrès à présent irréversible dont l’utilisation doit être très encadrée chez l’enfant et surtout l’adolescent. C’est bien entendu plus facile à dire qu’à faire d’autant que nous ne donnons pas l’exemple : un adulte sur 2 garde son portable allumé la nuit près de son lit.
Docteur Serge Rafal
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