Les présidents russes Vladimir Poutine et américain Joe Biden ont accepté lundi 21 février de se rencontrer lors d'un sommet, proposé par leur homologue français Emmanuel Macron à la condition qu'une invasion de l'Ukraine n'ait pas eu lieu d'ici-là. Cette annonce surprise intervient alors qu’un parfum de Guerre froide s’abat sur l’Europe et le monde depuis que les troupes russes se sont déployées à la frontière avec l’Ukraine et qu'une guerre est donnée pour imminente.
Depuis plusieurs semaines, le Président français Emmanuel Macron s’efforce d’amorcer un dialogue entre les parties et d’arbitrer cette crise majeure dont l’issue pourrait avoir des conséquences désastreuses. Si on lui reproche souvent son volontarisme empressé, nul doute qu’il essaie de faire bouger les lignes et de redorer le blason de la France, appliquant à la lettre le principe de la Vème république selon lequel la politique étrangère est un domaine réservé du chef de l'Etat. Toutefois son approche n’a pas toujours été couronnée de succès, loin s’en faut, et son obstination à « sauver » l’Ukraine est une ultime tentative, à quelques semaines de l’élection présidentielle, de faire oublier certains de ses ratés, notamment le rapprochement avec la Russie. Multipliant les acrobaties diplomatiques, il tentait encore ce week-end, de convaincre son homologue iranien de revenir à la raison. En 2019 déjà, la France se disait « préoccupée » par les activités nucléaires de Téhéran. Depuis, l’enrichissement d’uranium atteint des niveaux particulièrement dangereux. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le régime des Mollahs a commencé le processus d’enrichissement de l’uranium de 20% avec des centrifugeuses avancées sur son installation de Fordo.
Tantôt désigné comme le président « disrupteur » dans l’excellent ouvrage d’Isabelle Lasserre, correspondante diplomatique du Figaro, qui dresse un bilan diplomatique en demi teinte du Président français, ou comme le « hussard du Moyen-Orient » par les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Emmanuel Macron a indéniablement déployé beaucoup d’énergie et pris des risques pour imposer sa vision.
Dès son élection en 2017, il a suscité une curiosité mondiale. Son approche européaniste, libérale et multilatéraliste a été saluée. Sa volonté de parler à tous, sans tabou (du sommet franco-russe de Versailles en 2017 jusqu’à la rencontre avec le Prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane fin 2021, en passant par l’Égyptien Sissi), a été critiquée, mais assumée comme méthode.
Si l’impasse au Liban demeurera l’un de ses principaux échecs, les nombreuses anicroches avec Vladimir Poutine et Donald Trump auront terni son bilan. Toutefois il est parvenu à raviver le débat public en Libye par d’autres canaux, en soutenant notamment le Maréchal Haftar, et en accueillant en France trois réunions clés avec les principaux protagonistes (juillet 2017, mai 2018, novembre 2021). Ces efforts ont contribué à donner à ce pays de nouvelles perspectives présidentielles.
Emmanuel Macron veut laisser son empreinte partout. Le 4 décembre dernier, à l'issue de sa tournée dans les pays du Golfe, aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite , il affirme alors : « Je crois au rôle de la France au Moyen-Orient. C’est un rôle historique qui est de trouver des équilibres, des chemins de discussion, de contribuer à bâtir la paix et la stabilité. Ce rôle nous a mené à nouer des relations de confiance, d’amitié, de franchise, d’exigence, aussi ». A cette occasion, il a suggéré qu’Israël soit à son tour partie prenante des discussions qui se déroulent à Vienne : « Il est important de réengager une dynamique un peu plus large et d’impliquer également les puissances régionales. Il est difficile de parvenir à un accord si les États du Golfe, Israël et tous ceux dont la sécurité est directement affectée, ne sont pas impliqués. »
Une avancée non négligeable qui démontre une véritable prise de conscience des enjeux de la région sur laquelle il s’agira de capitaliser dans les mois à venir. La France comme les Émirats arabes unis avaient souligné l’importance des Accords d’Abraham, un an après la signature de ceux-ci en septembre 2021, lors de la visite du Cheikh Mohammed Bin Zayed Al Nahyan à Paris, « car ceux-ci défendent une approche de tolérance et de coexistence dans la région ».
Les cinq années qui viennent de s’écouler ont donné à voir des séquences diplomatiques fortes, d’autres plus chaotiques, tandis que d’autres encore ont pu paradoxalement obtenir davantage de résultats. À l’issue de cette période, la France a bien des défis à relever, qui devront être pris à bras-le-corps dès le prochain mandat.
Arié Bensemhoun
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