Le gouvernement Bennett n'a-t-il été conçu que pour avancer d'une crise à l'autre ? A chaque semaine qui passe depuis son investiture en juin dernier, son lot de crispations, d'ultimatums et de compromis de dernière minute. Hier, c'est donc un ministre qui a donné sa démission. Eli Avidar, du parti Israel Beitenou d'Avigdor Liberman était ministre sans portefeuille et a décidé qu'il n'avait aucune raison de rester au gouvernement s'il n'était pas là pour travailler. Mais s'il rend son tablier de ministre, il reprend en revanche sa casquette de député, et ça ne fait pas vraiment les affaires de la coalition. Désormais, il sera la voix qui donnera la majorité ou qui la refusera à Naftali Bennett. Car c'est bien pour le neutraliser que les leaders de la coalition lui avaient trouvé un siège au gouvernement. Pour y entrer, il avait laissé sa place de député à une autre membre du parti de Liberman, mais maintenant il reprend donc sa place d'électron libre et de trublion sur les bancs de la Knesset.
Eli Avidar avait acquis une visibilité politique en participant tous les samedi soir aux manifestations de la rue Balfour, qui appelaient à la démission de Benyamin Netanyahou. L'élu du parti de Liberman, lui aussi hostile au chef du Likoud, devient maintenant un casse-tête de plus pour Naftali Bennett, mais en même temps son assurance de dernier ressort. Tant que l'alternative à la coalition actuelle sera une alliance menée par Netanyahou, le chef du gouvernement israélien sait que son ministre démissionnaire ne lui portera pas le coup de grâce.
La situation est en revanche plus complexe avec Benny Gantz. Le ministre de la Défense a surpris le chef du gouvernement lundi en déclenchant une crise autour de la réforme des retraites des militaires de carrière. Le leader de Bleu Blanc ne veut pas qu'on touche aux pensions des anciens officiers de Tsahal et il a mis dans la balance le soutien de son groupe à la Knesset aux projets de loi du gouvernement. Résultat : la coalition avait dû retirer en catastrophe ses textes de l'ordre du jour de l'assemblée pour ne pas essuyer de nouvelles défaites face à l'opposition. Maintenant, Naftali Bennett doit trouver un moyen de désamorcer cette nouvelle crise.
Et comme si ça ne suffisait pas, il reste les menaces récurrentes du parti Ra'am qui renouvelle chaque semaine ses ultimatums tant qu'il estime que le secteur arabe n'a pas obtenu les mesures et les aides qu'il a promises à son électorat. Mais le parti islamiste de Mansour Abbas ne peut pas se permettre non plus d'aller trop loin. Car en faisant tomber le gouvernement, il prendrait la responsabilité d'une crise que son électorat ne lui pardonnerait pas et qui renverrait probablement les partis arabes dans l'opposition pour de longues années.
On est donc dans une situation où la coalition israélienne doit dépenser une énorme quantité d'énergie uniquement pour se maintenir à flots, sachant que chacun des partis qui la composent doit montrer qu'il fait avancer son propre agenda, mais qu'il ne fera pas exploser la majorité. Il reste encore un peu plus de deux semaines avant la fin de la session d'hiver et quelques semaines de répit avant le round suivant. Naftali Bennett doit tenir jusque-là et anticiper sur les obstacles ou l'incident imprévu qui serait la panne de trop.
Pascale Zonszain
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