Les pleurs de la sœur d’un assassin, Abdel-Malik PetitJean, la chronique de Michel Zerbib

France.

Les pleurs de la sœur d’un assassin, Abdel-Malik PetitJean, la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

La jeune femme qui a témoigné, vendredi matin, devant la cour d'assises spéciale, a perdu son frère qui est un assassin. Elle a essayé de retenir ses larmes, pour parler en effet d'une douleur faite de deuil et de culpabilité.  "Je suis traumatisée, je ne reconnais pas mon petit frère", a expliqué, à la barre, la sœur d'Abdel-Malik Petitjean, l'un des assassins du prêtre Jacques Hamel. Un frère "gentil", "respectueux", qui lui a rendu visite deux semaines plus tôt. "C'est après que je me suis dit qu'il y avait quand même des signes, mais, sur le moment, on se dit que ça ne peut pas nous arriver".

La jeune femme avait bien remarqué que son frère était plus rigoriste dans sa pratique religieuse. Mais ils n’ont pas parlé du sujet, ni celui des attentats, dont le dernier, à Nice, se produisait alors qu'ils étaient ensemble. Elle ne sait pas non plus, dit-elle, qu'il a essayé de se rendre en Syrie. 

La voix , entrecoupée de sanglots, elle se remémore. A la mi-journée, au travail, elle entend parler d'un attentat survenu dans une église de Seine-Maritime, un peu plus tôt. "J'ai dit à ma collègue 'Qu'est-ce qu'ils ont encore fait ces fous ?'" mais  elle n'a "jamais" pensé à son frère.

Rentrée chez elle, cette mère de deux enfants allume son ordinateur . Elle voit se dessiner, sous ses yeux, ce que le président décrit comme "un plan d'action" : quantité de messages que son frère a échangés, quelques jours plus tôt, lors d'une visite chez elle, avec des membres de la "jihadosphère". Treize pseudos différents. Des appels au meurtre, une photo d'Abdel-Malik Petitjean avec le drapeau de l'Etat islamique. Et l'évocation d'un prêtre égorgé. "Je me suis dit 'Comment savait-il que ça allait se passer ?' Elle refuse de croire que son frère a un lien avec l'attaque, mais prévient immédiatement la police. 

Une des avocates générales : "Il n'est absolument pas question de vous culpabiliser". "Mon regret, c'est de ne pas avoir allumé l'ordinateur la veille", explique la sœur du terroriste, qui dit s'en vouloir "énormément", demande des excuses aux parties civiles : "Je n'ai jamais voulu croire à un changement [chez mon frère], je n'ai pas joué mon rôle de grande sœur". Le président intervient : "Il y a des choses qui sont difficiles à prévoir, pour les proches comme pour les institutions".

Dans le box, Farid Khelil, cousin d'Abdel-Malik Petitjean, la regarde, et écoute les accusations de sa cousine : "Il n'a rien fait pour l'empêcher, je sais qu'il était au courant".

"Tu as laissé Malik, tu t'es débiné, tu savais que c'était quelqu'un de naïf". Nerveuse,  plus que de l’attentat, elle parle de son deuil. "Tous les soirs je pleure, je dis 'vous m'avez pris mon bébé',

"On me traite comme une terroriste, on m'insulte dans la rue, on m'a fermé toutes les portes", a déclaré la mère de famille, au long de deux heures d'une audition souvent confuse. 

Un discours qui alterne les informations et les trous de mémoire : évoque la fille de son ex-compagnon qui aurait eu, elle aussi, une influence néfaste sur son fils. À d'autres moments, elle invoque le "traumatisme", la "tempête" dans sa tête, qui lui occasionnerait des trous de mémoire. 

Par exemple  lorsque le président cherche à savoir ce qu'elle aurait pu savoir et  s'étonne de son empressement à essayer de le joindre les jours précédents l'attentat, et de ses nombreuses sollicitations auprès de son neveu, Farid Khelil, chez qui Abdel-Malik Petitjean dit être allé, alors qu'il se rend en réalité à Saint-Etienne-du-Rouvray.

 Le matin du 26 juillet, à 7h30, son fils lui envoie, pour mettre fin à ses tentatives d'appel, et en guise de dernier message : "Dodo".

"J’étais au courant de rien, jusqu'à la dernière minute, où j'ai compris", prétend la mère du terroriste, face à des échanges qui lui soumet le président, et qui peuvent laisser penser qu’elle était au courant. Elle explique être "rentrée dans le jeu" de son fils, dans l'espoir de le convaincre de changer d'avis. Elle  s'agace des questions de l'avocat de son neveu qui est dans le box), dit à plusieurs reprises être "fatiguée".

Sa fille, qui raconte s'être éloignée de sa famille, avait estimé, quelques heures plus tôt, dans cette même salle : "Je pense qu'elle était dans le déni". Au mieux !

https://youtu.be/3RSHltnaJQM

Michel Zerbib

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