Sur l'itinéraire de tous les dignitaires étrangers en visite en Israël, le Mémorial de Yad Vashem fait partie du protocole. Olaf Scholz, qui effectuait hier (mercredi) sa première visite officielle à Jérusalem en qualité de chancelier, n'a pas manqué d'y faire étape. Et le chef du gouvernement allemand a renouvelé l'expression de la culpabilité imprescriptible de son pays.
L'Etat d'Israël est devenu pour la communauté internationale le sanctuaire de la mémoire de la Shoah. C'est Israël qui a fait adopter par l'ONU deux résolutions sur ce thème. La plus récente en janvier dernier sur la condamnation du négationnisme et du révisionnisme et sur la nécessité d'éduquer les jeunes générations à combattre l'antisémitisme. Quant à la première, elle remonte à 2005, quand Israël avait obtenu que le 27 janvier – date anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz - soit décrété journée internationale de commémoration des victimes de la Shoah.
Si la mémoire de la Shoah fait donc partie intégrante du récit national d'Israël, même si le projet politique sioniste remonte à la fin du XIXe siècle, bien avant l'émergence du nazisme, cela donne aussi à Israël la lourde responsabilité de préserver son unicité. Il y a eu dans l'histoire de l'humanité, y compris au XXe siècle d'autres crimes de génocide, et en particulier le génocide arménien et le génocide tutsi au Rwanda. Mais aucun ne peut être comparé à l'entreprise d'extermination conduite par les nazis contre le peuple juif. Et si Israël s'est donné pour mission de maintenir et de transmettre cette mémoire intacte, cela veut dire aussi empêcher que la Shoah soit instrumentalisée, quelles que soient les motivations. L'Ukraine et la Russie sont des terreaux historiques de haine et de violence antisémite. Et si la Russie de Poutine est clairement en train de perpétrer des crimes de guerre et peut-être des crimes contre l'humanité en Ukraine, ce n'est pas la Shoah. Et si l'Ukraine n'a pas été dénazifiée après la guerre, comme l'affirme le président russe, ce ne sont pas des nazis qui sont aujourd'hui au pouvoir à Kiev.
Le président Zelensky a raison quand il appelle la communauté internationale au secours. Il a même raison quand il adresse une supplique en hébreu aux Juifs du monde sur son compte Telegram. Mais pas en se servant de la Shoah, même si l'armée russe a bombardé Ouman et près de Babi Yar. L'ambassadeur d'Ukraine à Tel Aviv a raison quand il demande l'aide d'Israël, Mais il n'a pas le droit d'affirmer que c'est parce que l'Ukraine a aidé les Juifs pendant la guerre. 2.700 Ukrainiens sont inscrits à Yad Vashem comme Justes parmi les Nations et cela pèse dans la balance. Mais cela n'efface pas les exactions commises par le régime ukrainien de collaboration nazi contre les Juifs. Et si Israël vient en aide à l'Ukraine, ce n'est ni pour l'un ni en dépit de l'autre. C'est parce qu'il est de son devoir moral d'Etat de porter secours à une population civile piégée dans une guerre.
Le droit international a évolué après la Seconde guerre mondiale, à cause de la Shoah. La conscience des nations s'est éveillée à cause de la Shoah et a fait avancer les droits de l'homme comme jamais auparavant. Et parmi ces juristes qui ont fait progresser le droit, il y avait des Juifs, comme René Cassin pour n'en citer qu'un seul. La mémoire de la Shoah doit rester une arme de dissuasion éthique. En aucun cas elle ne doit devenir celle d'un chantage moral.
Pascale Zonszain
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