Cette 22e semaine de procès s’est achevée avec le témoignage d'un nouvel enquêteur belge. Oui comme tous ses collègues, il est anonymisé, identifié sous le numéro 441157616, et en visio depuis Bruxelles. Ce policier est venu parler des voitures louées en Belgique pour convoyer à travers l'Europe les commandos terroristes venus de Syrie.
C'est toute la logistique des préparatifs des attentats qui a d’ailleurs été analysée la semaine dernière : après les locations des planques, la fabrique des fausses cartes d'identité belges, on a abordé donc les trajets en voiture pour ramener les kamikazes dans les cachettes belges.
L'enquêteur a commencé par évoquer une BMW louée fin août 2015, pour quelques jours. Un contrat de location a été établi avec les coordonnées de Salah Abdeslam.
Abdeslam qui est accusé d'être allé chercher plusieurs des kamikazes envoyés depuis le califat de Daech. Avec ce véhicule, il aurait fait au moins un déplacement vers la Hongrie.
Avec lui seraient revenus Bilal Hadfi, kamikaze du Stade de France, et Chakib Akrouh, terroriste des terrasses.
Trois jours plus tard, Abdeslam loue une Mercedes. Nouvel aller-retour Bruxelles-Budapest, cette fois entre le 8 et le 14 septembre 2015. De Hongrie, il ramènerait alors Naijim Laachraoui, artificier des attentats du 13 novembre et kamikaze des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016. Il repart vite à Bruxelles, le 19 septembre 2015. Dans l'Audi A6, il convoierait alors vers la Belgique le commando du Bataclan, Samy Amimour, Ismaël Mostefaï et Foued Mohamed-Aggad.
Puis un quatrième voyage le conduit à Ulm, en Allemagne.
Il aurait alors ramené les accusés Sofien Ayari, Osama Krayem, et aussi Omar Darif - artificier en chef, aujourd'hui présumé mort. Et un cinquième voyage lors duquel il rapatrierait les deux kamikazes irakiens du Stade de France.
C'est en tout cas les charges qui pèsent sur Abdeslam selon l'accusation.
Précisions sur les trajets, sur les coups de fil passés au retour et cherche à reconstituer toutes les connexions qui ont pu avoir lieu entre Salah Abdeslam, d'autres accusés et ceux qui sont considérés comme les logisticiens présumés : les frères El Bakraoui, kamikazes morts dans les attentats de Bruxelles en mars 2016, et Mohamed Bakkali, qui écoute attentivement depuis son box.
Avant de finir son exposé, le policier tient à faire écouter un document audio retrouvé dans les affaires d'Ibrahim El Bakraoui. Cet enregistrement s'intitulait "avocat OK". On peut entendre la voix de ce terroriste qui prévient d'abord qu'il "ne parle pas sous la contrainte . Il dit que toutes les locations effectuées par Mohamed Bakkali l'ont été "par amitié" pour lui, et que Bakkali "ne savait pas" pour quoi c'était. Un message destiné donc à dédouaner Bakkali . Ibrahim El Bakraoui disait-il la vérité ? La cour n'a pas de questions à poser à la fin de la déposition. Le Parquet national antiterroriste en a peu. Les avocats de la défense entrent alors dans la bataille .
D'abord Me Martin Vettes veut déconstruire le premier trajet imputé à son client en Hongrie. Il souligne que son client n'a pas conduit tous les véhicules qu'il a loués, donnant l'exemple de la Polo garée devant le Bataclan.
"Je suis d'accord", admet le policier. L'enquêteur finit par dire clairement qu'Abdeslam n'était "peut-être pas le chauffeur de tous ces trajets". Le jeune avocat, exulte : "Je vous remercie de votre honnêteté, mais c'est un peu tardif, car ce n'était pas dans les PV !"
Me Olivia Ronen rappelle qu'Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos parisiens, risque "la perpétuité réelle »!
Alors que, pour elle , il n’y a pas de preuve tangible qu'il ait ramené en Belgique le commando du Bataclan, pas davantage de certitude qu'il ait véhiculé les kamikazes irakiens. L’ accusation n’est donc pas étayée
L'enquêteur fait oui de la tête. Ronen conclue : "Je vous remercie des réponses que vous avez pu apporter. Je sais que c'est pas toujours simple d'être d'accord avec les avocats de Salah Abdeslam, mais grâce à vous, certaines vérités établies deviennent troubles !"
Le procès reprendra lundi 7 mars avec un nouvel enquêteur belge, qui viendra parler des recherches de kalachnikovs.
Michel Zerbib
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