Zelinski, fils de Makhno, la chronique de Guy Konopnicki

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Zelinski, fils de Makhno, la chronique de Guy Konopnicki
(Crédit : DR)

En un flot ininterrompu, les réfugiés ukrainiens franchissent les frontières de l’Union Européenne. Ils étaient déjà un million sept cent mille au début de cette semaine. C’est le plus grand exode européen depuis les déplacements massifs de populations ordonnés par Staline en 1945.

Or, ceux qui n’ont de cesse de rappeler l’exode des Palestiniens de 1948, sont singulièrement insensibles à celui des Ukrainiens. Il est vrai que les réfugiés ukrainiens ne sont pas parqués dans des camps destinés à durer, ils sont accueillis et logés en Pologne, en Slovaquie, en Roumanie et dans les pays baltes. Israël intervient sur le terrain humanitaire, son Premier ministre a tenté une mission diplomatique, mais ne peut ignorer que Poutine entend imposer un nouveau partage du monde, lourd de danger pour le Proche-Orient. La Turquie, membre de l’OTAN, a certes condamné l’invasion de l’Ukraine, mais sans se joindre aux sanctions internationales, car la Russie est devenue l’un de ses principaux partenaires économiques.

 Le guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, attribue aux États-Unis et au gouvernement ukrainien la responsabilité du conflit. Il reprend à son compte les thèses russes niant l’existence d’une nation ukrainienne. Pendant ce temps, l’armée russe enrôle des mercenaires syriens, avec la bénédiction de Bachar Al Assad, qui ne peut rien refuser à Poutine. A Bethléem, des Palestiniens ont manifesté leur soutien à Vladimir Poutine, en brandissant des drapeaux russes et des portraits du dictateur. Le Hamas n’a pas pris de position officielle, mais un de ses dirigeant, Abu Marzuq s’est réjoui de l’incapacité des États-Unis à s’engager dans une guerre contre la Russie. Et il ajoute : « à partir de là, nous pouvons envisager l’avenir de l’entité sioniste ».

Ce n’est pas seulement le sort de l’Ukraine qui se joue de Kiev à Odessa. Poutine a moins de retenue que les anciens dirigeants de l’Union Soviétique. Pour la première fois depuis la crise de Cuba, il a brandi la menace nucléaire. En 1962, Khrouchtchev avait porté la tension à son paroxysme, les cargos soviétiques venus livrer à Cuba les fusées à têtes nucléaire, escortés par quatre sous-marins équipés de missiles faisaient face à la marine des États-Unis. Le monde a retenu son souffle, pendant une semaine, à la fin du mois d’octobre 1962… Devant la fermeté de Kennedy, Khrouchtchev a rappelé ses navires, et engagé une négociation. Comme l’on sait, c’est à ce moment que Kennedy et Khrouchtchev ont installé une ligne de téléphone directe pour dénouer les crises. Poutine n’a manifestement pas cette sagesse, ses contacts avec Jo Biden passent par Emmanuel Macron, Naftali Bennett et quelques autres, mais il s’efforce de rompre à son profit l’équilibre de la terreur.

Dans ces conditions, sans renier un seul mot de ce que j’ai dit, ici même, de ses mythes fondateurs, la critique du nationalisme ukrainien attendra des jours meilleurs. 

Bien sûr, j’aurai préféré que l’Ukraine se souvienne de la révolution artistique conduite par Chagall à Vitebsk et qu’elle célèbre les poètes Itzik Pfefer et Leib Kvitchko, assassinés par Staline. 

Et tant qu’à chercher des héros qui combattirent à la fois les rouges et les blancs, il serait temps de sortir de l’oubli Nestor Makhno, le cosaque anarchiste, dont la cavalerie était composée de juifs ukrainiens, et dont le conseil militaire était présidé par Vsévolod Mikhaïlovitch Eichenbaum, dit Voline

Ces héros de l’armée libertaire d’Ukraine, trahis et calomniés par les bolchevicks sont plus présentables que les pogromistes. L’Ukraine d’aujourd’hui en se battant pour la liberté, renoue avec l’épopée de la Makhnocinade… Zelinski, sans le savoir est un fils de Makhno.

Une nation nouvelle est née de cette guerre. Poutine cherche à la détruire, par l’extermination, la terreur et l’exode massif. Il se peut qu’il obtienne une victoire militaire. Mais la nation ukrainienne a désormais une fondation. Une nation, ce n’est pas un territoire, celui de l’Ukraine a été modelé et remodelé par la puissance dominante, ce n'est pas non plus une hérédité biologique, c’est un mouvement, un choix, une adhésion.

Par ce mouvement, un peuple peut vaincre une puissance supérieure, cela s’est déjà vu…

Guy Konopnicki

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