Premier à s'exprimer, Yassine Sebaihia a très brièvement assuré qu'il n'avait "jamais voulu participer à un attentat" et "jamais voulu partir en Syrie". "J'ai été peiné par ce qui est arrivé", a ajouté le jeune homme de 27 ans, dit avoir opéré un "changement radical de direction" dans sa vie, en reprenant des études, et vouloir "vivre (sa) vie sereinement comme tout le monde".
Le troisième accusé Farid Khelil répète sa sensation d’être un homme nouveau, changé par ses six ans de détention. Ses yeux ne quittent presque jamais ceux, bleus et perçants de Roseline, la sœur du prêtre assassiné. Sa voix tremble, s’interrompt parfois comme pour étouffer un sanglot lorsqu’il évoque son fils de 9 ans et sa fille de 5 ans, atteinte d’autisme, qu’il ne voit presque plus depuis qu’il est en prison. Il reprend : "Je vous ai demandé pleins de fois pardon, ce ne sont que des mots, mais je vous demande de garder foi en moi… Je vous demande une seconde chance."
Aujourd'hui âgé de 36 ans, il ajoute avoir "entendu" le message que lui a transmis l'une des religieuses présentes dans l'église le 26 juillet 2016, sœur Danielle, "Lève toi, sois un homme": "Ça fait six ans que je me redresse. Il me reste encore beaucoup de chemin".
"Vu notre situation, on pourra jamais assez leur demander pardon", souligne à sa suite Jean-Philippe Jean Louis, à propos des victimes.
"On est tous reliés par ce qu'on a vécu dans cette salle. Chaque jour je pense à vous", assure-t-il. Le jeune homme de 25 ans "remercie" les parties civiles pour l'absence de "paroles de haine" pendant les près de quatre semaines d'audience et assure avoir pris "comme des paroles d'éducation" les propos parfois "un peu véhéments" de leurs avocats.
La cour a considéré que même s'ils ne connaissaient pas précisément leur projet criminel, ils avaient "parfaitement conscience qu'Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean appartenaient à une association de malfaiteurs et préparaient une action violente".
Le quatrième accusé, Rachid Kassim, présumé mort en Irak, a été condamné par défaut à la perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans pour "complicité" de l'assassinat.
Ce propagandiste de l'organisation Etat islamique (EI), dont l'ombre plane sur plusieurs attentats commis en France, a déjà été condamné à la perpétuité pour avoir téléguidé l'attaque manquée aux bonbonnes de gaz près de la cathédrale Notre-Dame à Paris, en septembre 2016.
Au terme de sept heures de délibéré, la peine la plus lourde pour les accusés présents a été prononcée contre Jean-Philippe Jean Louis, qui avait tenté d'aller en Syrie avec Abdel-Malik Petitjean et dirigeait depuis la Seine-et-Marne une chaîne Telegram qui avait un "rôle central" dans la propagande de l'EI, alimentant "la haine dans des esprits jeunes et souvent faibles".
La cour a condamné le jeune homme de 25 ans à treize ans de réclusion. L'accusation en avait requis quatorze.
Pour Farid Khelil, condamné à dix ans - le ministère public en avait demandé neuf - le président a souligné qu'il avait "constamment soutenu (son) cousin" Abdel-Malik Petitjean "dans sa volonté (...) de mener une action violente sur le territoire, renforçant sa détermination".
Ce Nancéien de 36 ans discutait sur Telegram d'un projet de départ en Syrie avec Jean-Philippe Jean Louis et Abdel-Malik Petitjean et avait hébergé ce dernier une dizaine de jours début juillet 2016.
Pour ces deux accusés, la peine est assortie d'une période de sûreté des deux tiers et de cinq ans de suivi socio-judiciaire après leur sortie.
Pour Yassine Sebaihia, 27 ans, qui avait fait un aller-retour de 24 heures chez Adel Kermiche à Saint-Etienne-du-Rouvray deux jours avant les faits, la cour l'a condamné à huit ans de prison - un an de plus que demandé par l'accusation - et cinq ans de suivi-sociojudiciaire, se disant "nullement convaincue par (ses) protestations d'innocence".
Yassine Sebaihia, en détention provisoire depuis près de six ans, est "déçu de ne pas avoir été acquitté", mais "ne fera pas appel", a réagi son avocate Katy Mira, saluant un "procès hors norme" marqué par "l'apaisement".
« Apaisée", a dit Roseline Hamel, sœur du prêtre assassiné, expliquant que les paroles de "pardon" de Farid Khelil, mercredi matin lui avaient "fait beaucoup de bien" et qu'elle les espérait "sincères".
Hier (mercredi), en attendant l'énoncé du verdict, Roseline Hamel est allée voir sur les bancs du public les quatre sœurs de Jean-Philippe Jean Louis, pour "les réconforter, les assurer de l'amour et de l'espérance que j'ai à leur égard et à l'égard des accusés".
Juste avant le verdict, Mgr Lebrun est lui-même allé "dire au revoir" à chacun des accusés dans le box. Je ne crois pas que tout le monde puisse avoir cette grandeur d’âme ou cette croyance folle ou naïve en l’humanité.
Michel Zerbib
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