Je vous ai bien sûr déjà parlé à de nombreuses reprises du surpoids et de l’obésité, épidémie silencieuse qui touche deux milliards de personnes sur la planète et près de sept millions en France.
C'est faux que les chiffres sont en hausse, ils sont stables depuis une dizaine d’années, concernant 17% des adultes et 4% des enfants. La France compte environ 6 millions et demi d’obèses et autour de 2 millions de personnes en surpoids.
La relation, pourtant longtemps admise, entre les calories ingérées et le poids n’est ni constante, ni linéaire, ni évidente… sauf bien sûr en période de famine ou dans des circonstances exceptionnelles que certains de nos aînés ont malheureusement pu connaître. On peut donc affirmer que l’obésité est une maladie souvent liée à l’alimentation, mais pas uniquement ! Elle est plurifactorielle avec des composantes, principalement génétiques (on a beaucoup plus de chances d’être obèse si des membres de sa famille le sont eux-mêmes), hormonales, sociétales, environnementales. Nous ne sommes pas égaux devant la prise de poids qui est souvent injuste : à apport énergétique égal, certains vont grossir, alors que d’autres, sans aucun effort, vont rester à un poids stable voire avoir du mal à en prendre. Nous savons nous médecins qu’il est bien plus difficile de grossir que de maigrir. C’est dire !
Même si c’est une idée qui peut traverser l’esprit de ceux qui n’ont aucun problème avec leur poids, manger équilibré ne suffit pas toujours à prévenir le surpoids ou permettre l’amaigrissement. L’obèse fait en réalité souvent des efforts quotidiens et les régimes qu’il entreprend se soldent malheureusement à moyen et à long terme par un échec dans 95% des cas. Et même une double défaite, pondérale et psycho-comportementale. La perte musculaire est compensée par de la graisse et l’excès de contrôle finit par déclencher des pulsions alimentaires irrépressibles qui aggravent in fine le surpoids.
L'obésité est stigmatisée. Le laboratoire danois Novo Nordisk a diligenté une enquête dont les résultats sont éloquents. En analysant plus de 180 000 messages ou témoignages consacrés à l‘obésité, déposés sur les réseaux sociaux et les forums, les chercheurs ont constaté que si Facebook et Instagram étaient plutôt bienveillants et informatifs, Twitter était volontiers moqueur, critique et stigmatisant avec parfois des remarques ou des propos intimidants et humiliants frôlant ou flirtant avec le harcèlement. Et chez nous, près de ¾ des personnes corpulentes ou obèses (IMC > 30), interrogées lors d’enquêtes à propos du surpoids, estiment avoir été victimes de remarques ou de paroles blessantes, ce qui est très supérieur aux autres discriminations (couleur, race, sexe, sexualité).
De trop manger ou de le faire en cachette, de manquer de courage et de volonté, nous l’avons dit, d’être paresseux, de prendre trop de place, de ne pas se bouger, de manquer de compétences… que sais-je encore ?! Ceci n’est évidemment pas sans conséquences avec perte d’estime de soi, isolement, sédentarité, compensation… et (re)prise de poids.
Le message des pouvoirs publics est inadapté bien entendu puisqu’il est principalement centré sur l’alimentation et le manque d’activité physique, ce qui est très réducteur, puisqu’ils n’en sont que des composants.
Le slogan, disons plutôt la litanie : « Mangez moins, bougez plus » est une catastrophe totalement inefficace qu’il faut abandonner au profit de véritables actions de prévention ou de prise en charge. Ras-le-bol des préjugés et des idées-reçues, surtout lorsqu’ils sont injustes, spécieux voire absurdes. Halte tout simplement à la « grossophobie », néologisme apparu il y a une 30aine d’années et qui a fâcheusement fait florès.
Docteur Serge Rafal
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