Le terroriste qui a assassiné quatre personnes mardi à Beer Sheva n'était pas un inconnu des services de sécurité. En 2016, il avait été arrêté pour ses liens avec le groupe Etat islamique, qu'il avait projeté de rejoindre pour aller combattre en Syrie. Condamné à quatre ans de prison pour lien avec une organisation terroriste, il avait été libéré en 2019 et s'était apparemment fait oublier depuis. Un de ses cousins, appartenant lui aussi au clan Al Kyian, une importante tribu bédouine du Néguev, avait quant à lui été tué en Syrie, où il était parti combattre dans les rangs de Daech. Que ce soit dans la population arabe israélienne ou chez les Palestiniens, l'organisation terroriste djihadiste n'a jamais réussi à s'implanter réellement. Une seule fois, en juin 2016, un commando palestinien, qui avait perpétré une fusillade terroriste qui avait fait 4 morts et 21 blessés dans le complexe de Sarona à Tel Aviv, avait affirmé avoir agi au nom de Daech.
Si l'organisation djihadiste a nettement perdu de son influence au Proche-Orient, surtout après l'élimination de ses leaders successifs, elle avait trouvé des adeptes locaux à l'époque où elle était au pic de sa puissance, dans les années 2015. Mais Daech avait plutôt fait du recrutement passif. C'est-à-dire que des sympathisants se manifestaient pour rejoindre l'organisation, mais que celle-ci n'initiait pas vraiment d'action de recrutement, comme le fait par exemple le Hezbollah, quand il approche des Arabes israéliens à l'étranger, ou qu'il tente de pénétrer en Israël par des activités criminelles de trafic d'armes ou de drogue. L'accès à l'idéologie de Daech se faisait surtout sur internet et sur les réseaux sociaux. Une propagande évidemment très surveillée par les services de sécurité israéliens, qui le cas échéant, intervenaient auprès des candidats à la radicalisation, souvent très jeunes, pour les dissuader d'aller plus loin.
Côté palestinien, Daech n'a pas eu plus de succès. Que ce soit l'Autorité Palestinienne ou le Hamas, les deux organisations qui contrôlent les territoires autonomes, ont toujours été très vigilantes face aux tentatives d'implantation de Daech, qu'elles voyaient comme une menace directe contre leur pouvoir. Tous les activistes ou sympathisants du groupe Etat islamique étaient pourchassés et arrêtés. A Gaza, le Hamas avait même rasé une mosquée avec tous ses occupants, partisans déclarés de Daech, qui venaient de proclamer un califat dans le sud de l'enclave côtière. Même les liens du Hamas avec Daech dans le Sinaï étaient restés des alliances ponctuelles, quand leurs intérêts convergeaient contre ceux de l'Egypte.
Au total, les adeptes de Daech n'ont jamais dépassé quelques dizaines chez les Arabes israéliens, et quelques centaines chez les Palestiniens. On a d'ailleurs vu que les réactions à l'attentat de Beer Sheva ont été prudentes côté palestinien. A Ramallah comme à Gaza, on a préféré omettre les liens du terroriste à Daech, pour insister sur sa citoyenneté israélienne. C'est en particulier le Hamas qui tient à présenter la population palestinienne et la population arabe israélienne comme un seul et unique groupe, pour la mobiliser contre Israël. L'attentat de Beer Sheva, même perpétré par un terroriste isolé, n'est pas le fait d'un Palestinien, ni d'un Arabe de Jérusalem, mais d'un citoyen arabe israélien. Et il pourrait raviver des braises qu'on voulait croire éteintes depuis l'été dernier.
Pascale Zonszain
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