Depuis le début du procès, Abrini avait multiplié les provocations qui ont obligé souvent le président à couper son micro et le menacer de nouvelles poursuites pour outrage. Le 22 mars 2016, Mohamed Abrini faisait également partie de la cellule terroriste qui a frappé l’aéroport de Zaventem, à Bruxelles, où il a abandonné sa bombe au dernier moment. Il a été filmé coiffé d’un bob, poussant un chariot, ce qui lui a valu le surnom de “l’homme au chapeau” avant qu’il ne soit identifié. Il sera jugé pour ces faits au procès des attentats de Bruxelles en 2022. Ses révélations de la semaine dernière sur sa présence prévue dans les commandos du 13-Novembre laissent entendre qu’il a renoncé par deux fois à se faire exploser!
"Vous nous avez dit que vous avez des déclarations à faire", commence le président, avide d'en savoir plus. "Euh bonjour monsieur le président, hésite-t-il. Je confirme ce que j'ai dit..." Le président l’autorise à enlever son masque . "Vous avez raison monsieur le président, bas les masques", réplique-t-il. Des rires. Voici, tirés de son long monologue, un florilège de ses déclarations. "Je confirme ce que j'ai dit : j'étais prévu (le 13 novembre)... J'ai effectivement rencontré Abaaoud en Syrie, puis à Charleroi. Et la 3e fois que je l'ai rencontré c'est le 12 novembre, avant de partir pour Paris. Moi, quand je reviens de Syrie je reprends ma vie normale, je travaille, je suis en plein préparatifs de mon mariage... Quand je vais le voir, je me dis pas qu'il va y avoir des attentats... Il dit en septembre : 'Tu vas faire partie d'un projet'. Je sais pas que c'est le Bataclan, je sais pas que c'est la France, je sais qu'il y a un projet... Je dis pas oui, je dis pas non, je dis rien. De toute façon je peux pas aller à l'affront (à l'affrontement) avec Abaooud. J'ai comme un conflit de loyauté. Il a risqué sa vie pour aller chercher la dépouille de mon petit frère..." (En Syrie)
D’abord il explique qu'il n’a pas eu peur d’annoncer à Brahim Abdeslam qu'il ne fera pas "partie" du projet. (Comprenez les massacres). Je le cite encore : "Salah Abdeslam il devrait pas être dans ce box. Il était pas prévu en fait. Il devrait être en Syrie ou mort ou dans une cellule avec Dahmani (arrêté en Turquie) Il reçoit des ordres de Abaaoud, et personne (d'autre) ne sait ce qu'il va se passer, où et quand. Le gilet explosif qu'il y a en plus, quand je dis à Abaaoud que je le ferai pas, j'ai pas assisté à la discussion mais Salah Abdeslam, voyant qu'il y a un gilet en plus, c'est sûr il l'a pris."
Normalement, c'était moi monsieur le président... Elle est là la vérité de l'histoire", insiste Abrini. Il explique ensuite les raisons de sa présence à Paris : "Je les ai accompagnés à la planque parce que je les connais... J'étais avec eux, mais c'était prévu que je rentre. Je faisais les derniers instants avec eux, je disais au revoir à tout le monde, j'arrivais pas à croire que c'était réel, encore aujourd'hui... C'est vrai j'ai voulu rentrer en train mais j'ai raté le dernier train." "Ce gilet, il était destiné à quelle attaque ?" demande le président. "C'était les terrasses monsieur le président", révèle Abrini. Il jure toutefois qu'on ne lui avait pas dit précisément ce qu'il allait faire, ni même la date des attaques, encore le 12 novembre.
"J’aimerais vous donner tant de réponses monsieur le président... qui lui demande pourquoi il a participé aux préparatifs. J'avais fait 5 ans de prison, j'étais perdu, pourquoi j'accompagne Brahim, Salah, j'en sais rien... au fond de moi je sais que je vais pas tuer des gens…" Le président lui demande s'il n'a pas renoncé au dernier moment, le 12 novembre, en fait. "Franchement monsieur le président vous avez peut-être raison, peut-être pas, je sais pas...", essaye encore Mohamed Abrini qui reparle de la loyauté qu'il ressentait envers son ami Abdelhamid Abaaoud, le cerveau des attaques.
"Je savais qu'ils allaient aller jusqu'à la fin, qu'ils allaient tuer des gens, qu'ils allaient se faire tuer par des forces de l'ordre... je le savais. Pourquoi j'y vais, je sais pas. Moi dans ma tête c'est clair, je vais passer mes derniers instants avec eux."
Acculé , Abrini répète qu'il n'était pas au courant des cibles. "C'est la vérité monsieur le président, les cibles je les connais pas, le jour, je les connais pas. C'est pas parce que je vois qu'il y a des gilets explosifs que je sais qu'il va y avoir le Bataclan, le stade de France, les terrasses..."
Mohamed Abrini revient sur le fait que Salah Abdeslam l'ait "remplacé", du moins que le gilet prévu pour lui lui ait été attribué après sa défection "Je réfléchis !" dit le président qui rappelle qu'il lui avait dit qu'il serait "difficile de le croire". Il saisit l'occasion pour lui demander, puisqu'il n'est pas allé au bout le 13 novembre, pourquoi il a "recommencé" le 22 mars 2016, lors des attentats de Bruxelles, où il était l'un des membres du commando de l'aéroport de Zaventem et où il a pris la fuite sans actionner sa bombe.
Pourquoi n’a-t-il rien fait pour empêcher les attaques va demander une avocate des parties civiles ? "C’est une très bonne question, j’en sais rien", finit par répondre Mohamed Abrini. "Je ne suis pas un combattant de l’Etat islamique". Un autre avocat des parties civiles lui demande s’il se considère comme un combattant de l’Etat islamique. "Je ne suis pas un combattant de l’Etat islamique parce que j’ai jamais combattu, un combattant c’est quelqu’un qui prend les armes", répond Mohamed Abrini. "J’aurais aimé que le 13-Novembre n’ait jamais lieu, j’aurais aimé tant de choses…" Aujourd’hui c’est Salah Abdeslam, son ami qui l’aurait remplacé, qui répondra aux questions de la cour antiterroriste de ce procès historique.
Michel Zerbib
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