Une journée particulière et terriblement appréhendée par les parties civiles après un cour débat jeudi que je vous relatais. La salle d’audience était pleine à craquer. L’une des plus fortes affluences depuis que le procès a débuté il y six mois. Les parties civiles sont venues en grand nombre pour assister à cette audience redoutée en sembles, proches les uns des autres . Vous citiez d’ailleurs le président de Life of Paris qui lui parlait même de vivre ce moment en « communauté presque en communion ». C’est cette association qui fait demandé à la cour de pouvoir diffuser ces photos prises par la police scientifique et d’une partie de l’enregistrement effectué par un spectateur, pour que la cour et les accusés prennent pleinement conscience de "l’horreur de l’attaque". Comme à Nuremberg en 45 « les images font preuve » avait déclaré le rescapé jeudi.
Le président demande si des personnes veulent sortir , seuls quelques unes le font. Ca commence par l’audio qui retranscrit le début de l’attentat au Bataclan. La musique d’Eagles of death metal (pas du tout un groupe de hard rock d’ailleurs) au titre terriblement annonciateur KISS THE DEVIL.
Durant quelques instants, on a le sentiment que tout est normal. Puis rapidement, le bruit de rafales de Kalachnikovs. Quatre, cinq, six coups de feu d’affilée. Entre deux séries de tirs, les premiers cris des spectateurs horrifiés. On entend déjà des pleurs. Les tirs reprennent, un peu plus saccadés. Ce premier extrait aura duré un peu plus de deux minutes. Interminables en vérité. Des râles, des cris… encore et encore.
Le deuxième extrait sonore ne dure que quelques secondes. On entend quelque chose comme « n’entrez pas sinon ils font tout péter ». Il se situe cette fois au moment de la prise d’otages au premier étage de la salle de concert. En fait on apprend que l’un des otages s’adresse en criant aux policiers de la BRI de l’autre côté d’une porte : "N’ouvrez pas sinon ils font tout péter !" Dans la salle d’audience, le silence glacé. Le troisième extrait ? C’est lorsque les hommes de la BRI donnent l’assaut final pour libérer les onze otages (huit hommes et trois femmes). Des tirs, des cris, des ordres des « allez, allez; allez des grenades assourdissantes se font entendre. Des bruits de quelqu’un qui court. L’enregistrement nous donne le sentiment d’ une grande confusion lors de l’opération de police : les otages se retrouvent pris entre les deux terroristes revêtus de gilets explosifs et les policiers parisiens. "Sors, sors , sors", "arrête toi", "je suis otage , on lève les mains en l’air "Le bélier !", répète un un policier. "On est les otages ! On est les otages", répète l’un d’eux. "C’est mon mari !", crie une femme. L’angoisse absolue dans toutes les voix . "Est ce qu’on a des otages là ? Puis un autre policier : 'Putain, il est où ?'" L’un des terroristes s’est retranché dans un escalier avec un otage. Comme par miracle, ce dernier s’en sortira vivant. Le dernier et troisième terroriste du Bataclan, Foued Mohamed Aggad s’était juste fait exploser.
Le président de la cour demande à baisser la lumière pour la diffusion de près de trente photos du Bataclan. Je recommande « à nouveau aux personnes qui ne souhaiteraient pas assister à leur projection, de sortir ». Quelques-unes le font. Les photos défilent sur l’écran quelques secondes à chaque fois. Insoutenables sont celles montrant la fosse. Des corps jonchent encore le sol. Beaucoup de sang mêlé aux vêtements et objets laissés au sol. Sur le côté droit, d’autres corps immobiles reposent près des rambardes. L’escalier où Foued Mohamed Aggad s’est fait exploser, est également projeté sur le grand écran. Une partie seulement du corps du terroriste est visible. Une dernière photo a été entièrement noircie ne sera pas diffusée car, explique le président "on discernait trop les victimes". Impossible.
La projection est terminée et déjà dans la salle d’audience, une femme pleure. D’autres ont déjà pleuré. Même chez les journalistes. La souffrance des parties civiles a rejailli si durement après de mois de procès. "Ces documents nous rappellent pourquoi nous sommes là. Cela a duré trente minutes… On a pu se rendre compte de l’inhumanité des terroristes. Mais surtout, ce que j’ai trouvé fort c’est qu’aujourd’hui il y avait plus de monde que pour entendre Salah Abdeslam", déclarera à la presse Arthur Dénouveaux. Les accusés ont regardé les photos, baissé les yeux parfois. Yacine Attar dira à la Cour un peu plus tard "je n’ai rien à voir avec ces horreurs".
Michel Zerbib
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