Je vais essayer de tirer l’essentiel de cette audience très technique. Depuis la Belgique, à partir de la nuit des attentats, le coordinateur a établi 48 communications avec Abdelhamid Abaaoud entre le 13 et le 17 novembre 2015. Un autre numéro a été utilisé pour contacter la cousine du chef opérationnel des commandos : Hasna Aït Boulahcen. Grâce à des dizaines de contacts téléphoniques, elle a été chargée de lui trouver une nouvelle planque, alors qu’il tentait de se cacher avec un autre membre des commandos, le kamikaze Chakib Akrouh. L’enquêtrice liste ensuite l’ensemble des appels passés, heure par heure.
Durant la journée du 14 novembre 2015, au lendemain des attaques de Paris, on sait Khalid El Bakraoui, Mohamed Bakkali et Yassine Atar sont entrés en contact, dit la policière fédérale, avant de retranscrire des échanges par SMS. Les trois hommes se sont rencontrés ce jour-là, d’après les éléments rapportés par le témoin. Interrogé, Yassine Atar avait démenti avoir retrouvé ses deux comparses ce jour-là.
L’enquêtrice évoque ensuite la mise en relation, gérée depuis la Belgique, entre les fugitifs à Paris et la cousine d’Abdelhamid Abaaoud pour leur trouver une planque. Le numéro coordinateur avait envoyé un SMS à celle-ci, deux jours après les attentats : « quand vous allez là-bas soyez discret il ne faut pas y aller en kamis… » Il s'agit d'un vêtement masculin traditionnel semblable à une longue robe.
Selon le témoin, la première rencontre en Abdelhamid Abaaoud et Hasna Aït Boulahcen a eu lieu le 15 novembre. En parallèle, deux coordinateurs « donnent des informations pratiques pour leur permettre de se retrouver à Aubervilliers », depuis la Belgique.
C’est donc la cousine du djihadiste qui a demandé par textos ce qu’il faut acheter en priorité : « un téléphone et une puce. » Une fois dans la planque, Abdelhamid Abaaoud a pu entrer en contact directement avec le coordinateur. Il s’agit du dernier contact établi avant l’assaut donné le 18 novembre par le Raid dans cet appartement de Saint-Denis, installé dans un immeuble de la rue du Corbillon.
Difficile de ne pas se souvenir de Jawad Bendaoud, surnommé le « logeur de Daech », qui avait fait le tour des médias au lendemain du 13 novembre 2015. Interviewé à la sortie de l’immeuble par BFMTV, il avait répondu : « Je n’étais pas au courant que c’était des terroristes. » . Pour avoir loué ce logement, il a été condamné à 4 ans de prison pour « recel de malfaiteurs terroristes ». C’est la raison pour laquelle, à l’ouverture du procès des attentats, Jawad Bendaoud ne faisait pas partie des accusés.
Le ministère public et les avocats de parties civiles ont posé peu de questions. L’avocat général Nicolas Le Bris, a remarqué que la journée du 14 novembre 2015 semblait « très chargée » du côté de la cellule belge. Ensuite Me Orly Rezlan, l’avocate de Mohamed Bakkali, a posé de nombreuses questions sur les activités téléphoniques détaillées par la policière.
Ses questions veulent faire dire à la policière si, oui ou non, les éléments d’enquête permettent d’établir que son client était au courant que des attentats allaient se produire, avant le 13-Novembre. Réponse négative de l’enquêtrice .
« Quel rôle attribuez-vous à Yassine Atar sur la recherche de logement d’Abdelhamid Abaaoud ? », poursuit l’avocat. « Dans le dossier, rien ne démontre le rôle qu’il aurait pu avoir dans les attentats de Paris, mais il a un lien avec des personnes impliquées. Cette rencontre nous paraissait suspecte. » « Il y a les hypothèses et les vérifications. Est-ce qu’on peut penser qu’il n’avait aucun lien avec les attentats au moment où la rencontre se fait ? Car il est placé dans la logistique des attentats… » « Il y a d’autres possibilités », reconnaît la policière fédérale.
« On n’a pas parlé du 13-Novembre, pointe l’ avocat de Yassine Atar. Pourquoi ? Car ce qu’il s’est passé ce jour-là constituait des éléments à charge. Les échanges avec Khalid El Bakraoui ce jour-là n’en sont donc pas ? » Le témoin acquiesce. « Le seul élément à charge, ce sont donc de simples rencontres [après les attentats] ? », ajoute l’avocat de manière très sèche. « Oui. » Le président intervient et lui demande fermement de « changer de ton. » « Oui monsieur l’instituteur », ironise Me Kempf. La discussion d’environ une minute est houleuse. Durant celle-ci, l’accusé concerné se lève dans le box en s’adressant à la cour, avant de vite se rasseoir. On entend dans la salle s’audience Attar crier « ca fait 5 ans que je suis en prison pour rien » On se calme et l’avocat aussi mais souligne que tout ce la est à décharge pour son client. Peut être …
Michel Zerbib
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