C'est au bout du compte le parti du Premier ministre israélien qui se révèle être le maillon faible de la coalition. Le départ de la députée Yamina Idit Silman est symptomatique de ce que ce que traverse le sionisme religieux dans son expression politique. Pour pouvoir former une coalition avec le centriste Yaïr Lapid, Naftali Bennett a dû évidemment faire des compromis, afin de permettre l'entrée dans la coalition de deux partis de gauche et d'un parti arabe islamiste.
Ce faisant, Naftali Bennett a abandonné une partie de son idéologie nationaliste pour se dérouter sur un cap plus centriste et donc plus consensuel. Auprès de ses partenaires de la coalition sans doute, auprès des élus de son parti nettement moins. L'erreur principale du patron de Yamina a été de tenir pour acquis le soutien de ses députés, sans prendre en compte leurs propres dilemmes, ni surtout les pressions dont certains font l'objet à l'intérieur du camp nationaliste. Idit Silman, qui a donc quitté la coalition, sans pour autant quitter le parti, avait dès le début, été identifiée par le Likoud comme un élément vulnérable dans le dispositif de Bennett. Religieuse sioniste, avec des repères idéologiques forts, elle avait eu du mal à se faire à l'idée d'une alliance politique avec la gauche et surtout avec un parti arabe. Et elle n'a jamais caché son dilemme. Ce qui lui a valu des manifestations quotidiennes devant son domicile, d'abord pour la convaincre de ne pas s'engager dans la coalition, puis pour l'accuser de l'avoir fait. Une situation difficile à vivre pour une parlementaire inexpérimentée, et qui de surcroit s'est retrouvée au poste crucial de cheffe de la coalition à la Knesset. Visiblement, un fardeau trop lourd à porter pour la jeune femme, comme a d'ailleurs fini par le reconnaitre Naftali Bennett lui-même.
D'autres élus de Yamina ont eu le même problème. Comme Nir Orbach, lui aussi sioniste religieux, et qui s'est retrouvé pris en étau entre ses convictions politiques et sa loyauté envers son leader, alors que dans son cas, l'essentiel des pressions est venu du leadership religieux du courant sioniste, et en particulier du Rav Haïm Druckman.
De plus, le courant sioniste religieux n'est pas homogène. C'est que ce secteur de la société israélienne a lui aussi évolué, et généralement dans un sens de plus grande intégration et non pas d'isolement. L'électorat sioniste religieux ne se limite d'ailleurs pas aux partis de son secteur et vote aussi pour des partis généralistes, que ce soit le Likoud ou des partis centristes comme Bleu Blanc. Et c'était ce segment que visait Naftali Bennett en fondant Yamina. Même s'il est clair maintenant qu'il n'a pas réussi à imposer un nouveau parti de droite dans ce segment, ni dans le choix de ses députés, ni dans l'électorat qu'il visait.
En revanche, le parti intitulé "Sionisme religieux", de tendance plus orthodoxe et plus nationaliste, a trouvé sa place. Il était à l'origine allié au parti de Bennett, sous l'appellation Nouvelle Droite, jusqu'à la scission de Naftali Bennett, qui trouvait certains de ses partenaires trop radicaux, comme Itamar Ben Gvir ou Betsalel Smutrich. Ils sont d'ailleurs plus proches du courant dit "sioniste harédi", qui recoupe justement le parti "Sionisme Religieux", mais aussi le Shass, séfarade orthodoxe. Une tendance à la fois plus rigoriste sur le plan religieux et plus nationaliste sur le plan politique. Dans cette configuration compliquée, Naftali Bennett peine donc à maintenir le cap, et ses élus à le suivre.
Pascale Zonszain
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