A juste raison et on va y revenir .Mais c’est d'abord un commissaire qui est venu à la barre ce vendredi. Un policier brillant déposant sous le matricule de SDAT 99. Pendant plus de deux heures, il raconte avec précision comment une centaine d'heures après les attentats, il y a "cette traque sans précédent" après un témoignage jugé "crucial". Le 16 novembre 2015, la police reçoit un appel très intéressant sur la ligne verte ouverte juste après le 13-Novembre. "Une femme au propos confus qui dit héberger chez elle Hasna Aït Boulahcen qui aurait eu un rendez-vous avec son cousin Abdelhamid Abaaoud". Incroyable ! À la sous-direction antiterroriste, Abaaoud est une cible prioritaire depuis l'été. Depuis qu'il y a cette menace d'attentats sur le pays . C'est un djihadiste arrêté au mois d'août 2015 qui l'a avoué aux policiers du renseignement. Mais les enquêteurs chevronnés estiment qu'Abdelhamid Abaaoud, (l’homme qui trainait des cadavres derrière son pick up avec ce rire de dégénéré). Et cette femme assure qu'elle a vu Abaaoud devant elle, sortir d'un buisson.
Sonia se souvient encore du «regard froid» et «inhumain» d'Abdelhamid Abaaoud : au procès du 13-Novembre, «Sonia» a donc raconté vendredi comment elle avait, au péril de sa vie, dénoncé à la police ce terroriste, un «sacrifice lourd» mais qu'elle «ne regrette pas».
Visage flouté, voix modifiée, c'est une ombre qui apparaît sur les écrans de la cour d'assises spéciale de Paris. «Sonia» dit avoir «48 ans», être «agent». Témoin protégé, elle a changé d'identité et de vie depuis son témoignage , «providentiel» selon un enquêteur, qui a permis de localiser Abdelhamid Abaaoud, l’ennemi numéro 1, en fuite après avoir mitraillé les terrasses parisiennes, et d'éviter de nouveaux attentats.
Elle accompagne une jeune femme paumée qu'elle a prise sous son aile et qu'elle héberge, Hasna Aït Boulahcen. Elle devait juste aller récupérer «son cousin de 17 ans qui a des problèmes», mais se retrouve face à Abdelhamid Abaaoud, figure française du jihadisme censée être en Syrie. «Il est là, en face de moi … Il m'a serré la main, ce que je regrette», déclare «Sonia», qui en fait encore «des cauchemars». Elle demande à Abaaoud s'il a participé aux attentats. «Il me répond: 'Ouais, les terrasses, c'est moi'», . Il lui dit «qu'il est là pour terminer ce qu'il a commencé». Je lui dis qu'il a tué des innocents, que l'islam ce n'est pas ça». Elle rentre chez elle et le lendemain, le 16 novembre, elle attend que Hasna Aït Boulahcen quitte son domicile pour appeler le numéro vert mis en place par la police. «J'ai expliqué qui j'avais rencontré, on ne m'a pas crue», déplore «Sonia».
Il se pourrait aussi que ce soit «un guet-apens de l'État islamique ». Des surveillances se mettent en place, notamment à proximité du «buisson conspiratif» d'Aubervilliers, et «Sonia» continue de donner des informations à la police antiterroriste, obtenues de Hasna Aït Boulahcen. Celle ci lui apprend que de nouveaux attentats se préparent «Je n'aurais pas pu laisser faire ça» Miraculeux !
Le 18 novembre 2015 avant l'aube, le Raid lance l'assaut dans l'appartement de Saint-Denis où Abdelhamid Abaaoud s'est retranché avec son complice Chakib Akrouh, autre survivant du commando des terrasses, et Hasna Aït Boulahcen. Tous trois vont mourir. «Sonia» passe, elle, «quarante-huit heures en garde à vue». Puis elle est remise en liberté et sera prise en charge par un service spécialisé du ministère de l'Intérieur.
Elle a bénéficié d'un nouveau statut, devenant la première «témoin protégée» en France. Son témoignage lui a «coûté cher, très cher», aussi bien pour elle que pour ses enfants et son compagnon «C'est un sacrifice qui est lourd», mais «je ne regrette pas ce que j'ai fait, je ne le regretterai jamais». Le président de la cour, Jean-Louis Périès, «salue (son) geste courageux». «Ça a permis d'éviter d'autres attentats», conclue le magistrat. C’est le moins que l’on puisse dire !
Michel Zerbib
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