Mohammed Amri : "A cause d’Abdeslam, j’ai perdu ma liberté", la chronique de Michel Zerbib

France.

Mohammed Amri : "A cause d’Abdeslam, j’ai perdu ma liberté", la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : DR)

Les accusés ont toujours juré qu’ils n’étaient pas au courant de l’implication d’Abdeslam dans les attentats. Le premier à se lever derrière les parois vitrées du box des accusés, c’est Mohammed Amri qui fait d’abord une déclaration sans intérêt. Alors le président fait revenir l'accusé sur la soirée du 13 novembre 2015. Le magistrat cherche à savoir quand Mohammed Amri a pris connaissance des attaques. Il évoque un appel de son épouse après 23 h. Il est question d'un autre appel, reçu vers 22h30. Un appel plus gênant, celui de Salah Abdeslam.  Mohammed Amri admet : "C'est là que mon cauchemar a commencé." Et il revient sur cet échange : "Salah Abdeslam m'appelle et me dit qu'il a fait un sale crash »

Oui mais pourquoi l'a-t-il appelé lui, relance le magistrat ? L'accusé reprend, : "Je ne sais pas", "peut-être qu'il se rappelait de mon numéro." Petits rires dans la salle. Ce soir du 13, minuit passé de six minutes, Mohammed Amri rappelle Salah Abdeslam. "J'étais au courant qu'il y avait eu des attentats alors j'étais un peu inquiet", dit-il.  L'accusé poursuit : "J'ai passé ce coup de téléphone pour voir comment il allait, prendre des nouvelles, lui dire qu'il y avait eu des attentats en France et que j'étais inquiet." 

Le président : "Et ?" Salah Abdeslam, assure, Mohammed Amri, lui dit qu'il est "au courant" mais qu'il se trouve "loin" du lieu des attaques. Et, indique encore l'accusé, il ne lui dit pas qu'il se trouve en région parisienne. 

Moment cocasse et pathétique de cet interrogatoire : pourquoi ces pleurs ? "J'avais l'impression qu'il avait honte", raconte l'accusé. Le magistrat relance sur sa destination, quand il prend la route avec Hamza Attou, autre accusé , pour venir chercher Salah Abdeslam à Châtillon . "A aucun moment en partant de Bruxelles on ne fait le lien avec les attentats", affirme Mohammed Amri.  Mais alors le lien, quand le font-ils ? C'était à Châtillon, à 5h30 du matin, moment où Salah Abdeslam "a tout déballé", avoue l'accusé.  "Il nous a dit qu'il n'y avait pas de crash. Qu'il nous avait fait venir pour le ramener vers Bruxelles", dit-il encore. « C'est là qu'il nous a dit que les attentats c'était eux, qu'il faisait partie des dix personnes qui ont commis des attentats. Et voilà, monsieur le président."

Dans la voiture, Salah Abdeslam raconte les attentats. Il a "dit qu'il voulait se faire sauter mais que ça n'avait pas fonctionné", ajoute Mohammed Amri.

L'accusé raconte comment, à ce moment-là, le membre des commandos terroristes crie, pleure. Toujours selon le récit de l'accusé, Salah Abdeslam dit alors qu'il est entré dans "un café" mais n'a pas déclenché sa ceinture d'explosifs car il n'y avait, dedans, "que des jeunes". 

Mohammed Amri raconte le retour vers la Belgique. En se quittant, Salah Abdeslam lui dit : "On ne va jamais se revoir". Et, toujours selon les dires de Mohammed Amri, il veut les dédouaner : "Ne t'inquiète pas", "tu n'as rien à voir" avec les faits.  "Salah m'a mis dans la merde", lâche Mohammed Amri. Mais pourquoi n'a-t-il pas profité des contrôles routiers pour faire quelque chose, interroge la cour. "Aujourd'hui je regrette", répond-il. "J'avais peur." Relance de la magistrate, peur de quoi ? Mohammed Amri reprend la parole, hésite et puis dit : "Peur de tout." "Il m'a volé plus de six ans de ma vie. Je lui en veux, aujourd'hui." Ca ne convainc toujours pas la cour ! "J'ai rien à me reprocher dans cette affaire" clame l’accusé. Mohammed Amri : "Ce que j'ai fait de grave, c'est de l'avoir ramené. Le trajet Châtillon-Bruxelles, c'est ça le plus grave."

Me Sylvie Topaloff, avocate de parties civiles : "Ce n'est pas que vous ne balancez pas, c'est que vous couvrez Abdeslam ! lui lance-t-elle. Me Gérard Chemla revient sur les déclarations de l'accusé qu'a évoquées, plus tôt, l'avocat général.

Savait-il que c'était Paris, comme il l'a dit lors de ses auditions, ou non, comme il l'assure aujourd'hui à l'audience ? Me Catherine Szwarc, interroge Mohammed Amri sur cet appel durant lequel Salah Abdeslam a pleuré. C'était la première fois qu'il voyait, ou entendait l'homme pleurer, a rappelé l’accusé en disant que les questions étaient nulles.

L'interrogatoire de Mohammed Amri par Me Negar Haeri son avocate s'achève avec cette déclaration de l'accusé : "Si on rit, si on parle (dans le box) c'est parce que le procès, c'est dur. Plus de sept mois de procès…pauvre explication pour ce manque de respect et cette amitié avec Abdeslam non dissimulée. Mohammed Amri prend la parole timidement : "En fait... Je ne veux pas me mettre à la hauteur des victimes parce qu'elles, elles vivent un cauchemar à vie, et je leur souhaite de tout mon cœur de réussir à s'en sortir. Mais moi, le 14 novembre, à cause de lui [Salah Abdeslam], j'ai perdu ma liberté… et je me sens responsable de son retour en tout cas. C'est tout ce que je veux dire … » C’est la dernière fois que Mohamed Amri parlera sur les faits rappelle son avocat qui aimerait que ces dernières paroles auront touché la Cour antiterroriste spécialement composée. Ce sera difficile…

https://youtu.be/Eou7ZDoLq9Q

Michel Zerbib

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