Au procès du 13 novembre Abdeslam livre sa vérité : "J’ai renoncé par humanité" Les victimes n’y croient pas, la chronique judiciaire de Michel Zerbib

France.

Au procès du 13 novembre Abdeslam livre sa vérité : "J’ai renoncé par humanité" Les victimes n’y croient pas, la chronique judiciaire de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

Il était ce mercredi plus de 18h au Palais de justice de Paris quand approchait l’heure de l’interrogatoire de Salah Abdeslam. Et les paris allaient bon train avec les avocats, les journalistes et des parties civiles pour se demander si l’accusé allait faire usage de son droit au silence ou au contraire s’il allait raconter enfin ce qu’il s’est passé ce vendredi 13, le soir des massacres de masse ? Suspense !

"Oui monsieur le président, je vais m'exprimer aujourd'hui", Salah Abdeslam vient de se lever pour faire usage de son micro derrière le box vitré. (J’ai perdu mon pari mais c’est mieux pour le procès qui a débuté depuis 7 mois). Le président est réactif et au vu de son changement de posture, décide de le questionner sur la soirée du 13 novembre 2015. "Si j'ai fait usage de mon droit au silence c'est parce que je ne me suis pas senti écouté", dit Salah Abdeslam. "Je pense que depuis le début de cette affaire, on ne veut pas voir la personne que je suis vraiment. Les gens n'arrivent pas à accepter ce que je suis vraiment." On est toute ouïe dans la salle remplie.

Alors les questions démarrent : quand a-t-il été au courant des attentats ? Salah Abdeslam explique que c'est quand il a rencontré Abdelhamid Abaaoud, chef opérationnel des attentats, le 11 novembre. On remonte au mois de mai 2015 : son frère Brahim (futur kamikaze) lui raconte ce qu'il a vu en Syrie. Ce qui lui donne envie de partir lui aussi. Mais il lui dit qu'il vaut mieux qu'il reste en Europe pour "l'aider à travailler." "Ce qui est prévu pour moi, c'est que je parte en Syrie. A un moment, il va venir chez moi, il va m'expliquer : il faut que tu partes en Syrie. Car j'ai loué des voitures." Et qu'il pourrait être détenu. 

Plus tard, Abdelhamid Abaaoud lui explique ce que l'on attend de lui : il devra porter une ceinture explosive et se "faire exploser" : "C'était un choc pour moi, je ne savais pas comment réagir." Abdeslam avoue  "J'ai senti que je n'étais pas vraiment prêt pour ça." 

Et voilà qu’enfin Salah Abdeslam raconte le soir des attentats. Il explique qu'il entre dans un café, à Paris 18e, une cible. Là, il commande une boisson, regarde les gens autour de lui et se dit qu'il ne va "pas le faire." La suite : c'est "confus". Il roule, la voiture tombe en panne, un taxi, il achète un téléphone, jette la ceinture explosive à Montrouge. Choqué ? Peut être bien. Puis il arrive à Châtillon, là où Mohammed Amri et Hamza Attou viendront le chercher. "Je dirai ma vérité aujourd'hui." Salah Abdeslam affirme qu'il n'était "pas au courant" que les terrasses et le Bataclan étaient des cibles : en revanche, il savait pour son objectif et le Stade de France, où il a déposé un commandos de trois kamikazes. 

Salah Abdeslam confirme qu'il avait un objectif, un bar du 18e arrondissement de Paris : l'établissement dont il a parlé plus tôt. "Le café, le bar où je devais faire ma mission, c'est mon frère qui me l'a montré" L'accusé revient sur le moment où il rentre dans l'établissement : "Je vois les gens rigoler, danser, je comprends que je ne vais pas le faire." 

Mohammed Amri et Hamza Attou : les deux hommes qui sont venus le chercher en Ile-de-France et l'ont ramené, par la route, dans la région de Bruxelles. Ils ont été interrogés hier et assurent ne pas avoir eu connaissance du rôle de Salah Abdeslam dans les attentats avant de le récupérer à Châtillon (Hauts-de-Seine).

En revanche, Abdeslam leur parle de son frère Brahim. Leur réaction : "J'ai vu en eux la sidération : ils ne savaient pas quoi dire, quoi faire, ils étaient sans voix." Un peu plus tard, il ajoute : "C'est pas des soldats aguerris, des soldats de l'Etat islamique, ils n'ont rien à voir avec ça." 

Salah Abdeslam raconte le trajet retour en Belgique. La route, les contrôles, et puis Laeken. Ils s’en sortent. Une commune de la région de Bruxelles. Il ne veut pas se faire déposer chez lui, à Molenbeek :  "Je sais que c'est une question de temps avant que je sois signalé."

Salah Abdeslam arrive dans la planque de Schaerbeek. A l'intérieur, il y a notamment Ibrahim El Bakraoui (considéré comme un logisticien des attentats du 13-Novembre, mort en kamikaze lors des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles) et Mohamed Abrini. Il se dit prêt néanmoins à partir en Syrie. Comme dit la bible et l’Eternel endurcit le coeur de Pharaon. Le président veut savoir : est-ce à ce moment que Salah Abdeslam s'est "endurci dans sa radicalisation" ? 

La réponse d’Abdeslam : "On devient plus dur, oui. Probablement. Je n'ai pas d'expérience ni militaire ni religieuse pour, comment dire, faire ce que eux ils ont fait." Référence aux autres membres des commandos terroristes. « Mon frère avait une ceinture et une kalach, je savais qu’il allait tirer et se faire exploser mais je connais pas les cibles  »

D’ailleurs dans des bribes de textes qui lui sont attribuées, Salah Abdeslam explique que sa ceinture n'a pas fonctionné et dit sa volonté de devenir un chahid : un martyr. Mais il dit aussi la "honte", face aux autres membres de la cellule, de ne pas s'être fait exploser. La ceinture défectueuse ? "Je ne pouvais pas me défaire de ce mensonge-là, alors je l'ai pris comme une réalité." 

18 mars 2016. Interpellation de Salah Abdeslam à Molenbeek, où il se trouve en compagnie de Sofien Ayari, un autre accusé. Abdeslam se met à table comme on dit vulgairement, il a avoué ses pleurs, ses cris, sa peur et sa sidération. Il ne renonce cependant pas à quelques justifications.

Quand on lui demande comment le bar du 18e arrondissement de Paris où Salah Abdeslam devait se faire exploser est-il sélectionné ? "Peut-être que l'Etat islamique, ce qu'ils voulaient faire subir, c'était la même chose que ce qu'ils avaient subi. Il y avait des bombardements (en Syrie) qui tuaient des gens qui allaient au café." Qu'est-ce qui le fait renoncer, vraiment ? "Il y avait des jeunes, en fait. Des très jeunes aussi. Moi j'ai vu ces gens en train de danser, de rigoler, etc. Et je me suis dit... Les victimes ont dit qu'elles étaient prêtes à tout entendre. J'ai renoncé par humanité, je vous le dis franchement. Pas par peur." Et puis l'accusé termine  : "Ils étaient plus jeunes que moi. Je ne voulais pas les tuer." 

Un Abdeslam qui aura choisi de parler sur les recommandations de sa brillante avocate Olivia Ronen et de "s'humaniser". Il est tard, l’audience se termine. Abdeslam en dira encore plus ? Réponse ce vendredi.

Michel Zerbib

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