A quoi servent les expertises psychiatriques ? "Abdeslam homme ordinaire a participé à une destruction extraordinaire", la chronique de Michel Zerbib

France.

A quoi servent les expertises psychiatriques ? "Abdeslam homme ordinaire a participé à une destruction extraordinaire", la chronique de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

Je voulais déjà rappeler que dans ce long procès, les experts et les psys avaient déjà dessiné un portrait psychologique des accusés dans le cadre de la présentation générale au mois de novembre 2021. Incontournables dans la procédure judiciaire , ces examens visent à déceler les troubles psychiques chez un accusé et doivent EN THEORIE permettre de déterminer s’ils ont entrainé une ABOLITION ou UNE ALTERATION au moment des faits( affaire Sarah Halimi ou Dj LAMC). Alors je vous le dis tout de suite, aucun des 14 accusés n’est dans ce cas et tous ont été déclarés responsables sur le plan pénal (accessibles à la peine). On attend beaucoup de ces experts, peut être trop. "Un examen psychiatrique ne peut être que décevant", dit l’un des plus célèbres expert psychiatrique Daniel Zagury qui a admis la LIMITE de l’exercice avant de faire son rapport sur Salah Abdeslam.

« Ce qui pour nous est inhumain était pour lui surhumain. »a lancé Daniel Zagury qui a posé les questions clefs : est-il réadaptable ?
Comment un homme aussi ordinaire a-t-il pu participer à une telle destruction de masse ? Le mal est souvent banal( procès d’ Eichmann et la thèse de Arendt bien sur ), il se commet au nom de ce qu’on croit être le bien, le bon, le juste », je cite encore Daniel Zagury, un des deux psychiatres qui a examiné Salah Abdeslam dans sa prison de Fleury-Mérogis, en novembre dernier.

Le seul survivant des tueries du 13 novembre ne souffre d’aucune pathologie, « il est accessible à une sanction pénale, mais il a les moyens intellectuels de se réadapter », pour Bernard Ballivet, l’autre psychiatre.
Devant ces experts, Salah Abdeslam a assumé « son engagement délibéré et assumé au service de l’État islamique. C’était un homme ordinaire prisonnier d’une déshumanisation totalitaire. Ce qui pour nous est inhumain, pour lui tenait du surhumain. » 

Peut on parler au passé en quelque sorte ? Et je cite Daniel Zagury « En 2015, sa radicalisation l’a débarrassé de tout débat interne, l’attentat était un mal nécessaire et les victimes chosifiées » Salah Abdeslam n’est-il plus le robot de Daech, a-t-il évolué devant la souffrance des victimes ? A demandé la cour « Sans doute. Mais il ne pourra exprimer ses sentiments que lorsqu’il abandonnera ce carcan totalitaire, qui pense à sa place, qui lui enlève toute existence propre. » Oui mais les avocats de la défense veulent espérer que Abdeslam pourrait redevenir le « le p’tit gars de Molenbeek », ou gardera-t-il la psyché du « soldat d’ Allah halluciné » ? « Nous n’avons pas la réponse, elle lui appartient », concluent les psychiatres. Abdeslam a certes présenté ses excuses au victimes mais son discours est resté ambivalent concernant son rapport à la cause de Daesh.

Pour lui, le psychiatre belge Samuel Leistedt conclut également à « l’absence de pathologie mentale. Aucun déséquilibre, c’est un homme ancré dans la réalité, marqué par la mort de son frère en Syrie. » Mohamed Abrini, c’est celui qui a renoncé à commettre le pire. Dans la nuit du 12 au 13 novembre, où il était prévu parmi les tueurs du Bataclan, assure-t-il. Et quelques mois plus tard, à l’aéroport de Bruxelles. « Il m’a affirmé avoir renoncé à cause des familles et des enfants dans la file d’attente, explique Samuel Leistedt. Mais il y a aussi l’instinct de survie. M. Abrini s’est comporté un peu comme un adolescent qui veut tester ses limites. »

Un psychiatre belge, Gérard Charles, a évoqué la personnalité d’un autre des onze accusés détenus, Sofien Ayari, interpellé en Belgique en 2016, après des échanges de tirs avec la police. « M. Ayari ne m’a pas raconté son vécu, sauf qu’il n’avait pas manifesté assez d’amour à ses parents, résume le psychiatre. Selon lui, son sort n’a aucune importance, il n’est qu’un grain de sable dans l’univers. » Le même expert avait examiné Osama Krayem, qui avait renoncé à déclencher sa bombe dans le métro de Bruxelles en 2016. « Mais il n’a rien expliqué de ce qu’il a pu ressentir envers les victimes de Paris », répète Gérard Charles. Peu d’empathie donc chez ces deux là ! Les avocats de la défense ont beau rappeler que « ces expertises datent de six ans ! ». Et que leurs clients ont pu évoluer, depuis cent quinze jours d’audience, c’est difficile à croire. La semaine prochaine le procès reprend avec notamment l’audition de membres du groupe Eagles of death metal.

https://youtu.be/gSRW_mibNgQ

Michel Zerbib

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