Georges Bensoussan, historien et responsable éditorial au Mémorial de la Shoah à Paris, était au micro d’Eva Soto ce jeudi matin à 8h35 dans le Morning d’Ilana Ferhadian sur Radio J.
C’est en souvenir des six millions de juifs morts pendant la Shoah que nous commémorons chaque année Yom HaShoah, une journée internationale en la mémoire des victimes de la barbarie nazie. En France comme en Israël, c’est un jour de mémoire. Force est de constater néanmoins qu’il existe une différence de ressenti entre les deux pays. L’historien Georges Bensoussan témoigne de son sentiment différent lors de sa venue en Israël. Un ressenti plus solennel, avec plus de profondeur. « Les deux minutes de silence précédées par la sirène qui retentit dans tous les pays, fait que le pays tout entier se fige dans une attitude quasiment hiératique. C’est très impressionnant, vous êtes au cœur d’une agglomération et tout à coup, tout s’arrête. Le bruit, les camions, les autobus…C’est extrêmement long et on voit tout un peuple qui est recueilli, l’immense majorité des israéliens ne bougent plus, ils sont figés », témoigne Georges Bensoussan avec émoi. « L’évènement n’est pas perçu de la même façon entre un état nation et une communauté de diaspora. Une communauté de diaspora voit la Shoah sous l’interrogation Qu’est-ce qu’on nous a fait ? Dans un Etat-Nation comme Israël la Shoah est vu sous la forme interrogative suivante : qu’est-ce qui nous est arrivé ? La communauté diasporique suppose une sorte de passivité dans l’évènement, dans le cas d’Israël, c’est au contraire une réactivité dans l’évènement ».
Une prise en main tardive du souvenir de la Shoah
À partir de 1951, Israël prend réellement en main la mémoire des victimes de la Shoah, seulement six ans après la fin de la guerre. En concurrence avec Paris qui crée au même moment le mémorial du Martyr Juif Inconnu. Georges Bensoussan donne deux raisons à cette prise en main si tardive. Tout d’abord, parce qu’Israël était un état naissant confronté à une guerre existentielle doublée de problèmes d’immigration considérables. L’Etat avait donc d’autres priorités. « Il y’a une deuxième raison qui est à mon avis bien plus profonde, le souvenir de la Shoah génère au sein de l’exécutif sioniste, un sentiment profond de honte. Ça n'est pas du tout la Shoah telle qu’elle est commémorée aujourd’hui, où l’on voit les rescapés comme les héros. On voyait d’avantage les rescapés comme des victimes qui contreviennent à la morale sioniste. La Shoah sera donc mise en exergue beaucoup plus tard, surtout après la guerre des Six jours », explique l’historien.
Arielle Wilhelm
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