C'est toujours un moment particulier dans la vie des Israéliens. Le Yom Hazikaron, ce n'est pas de l'histoire, ce n'est pas abstrait. On a même l'impression que dès que le soleil descend, la veille de cette journée du souvenir, la qualité de l'air change. Et pas seulement parce que c'est la saison de transition où le thermomètre peut varier du très chaud au très froid en quelques heures. Tout se fait plus lourd, plus grave. On se prépare à cette sirène qui va résonner deux fois, une première fois le soir, une seconde à 11 heures du matin et figer tout le pays dans le silence et le recueillement. Il y a bien sûr d'abord les familles endeuillées, chaque année un peu plus nombreuses, mais aussi tous ceux qui connaissent quelqu'un, un soldat avec qui ils ont servi, un voisin que l'on croisait dans le quartier, un camarade de classe, un collègue de travail. En Israël, ces morts ne sont pas des statistiques. Ce sont des visages, des histoires, des souvenirs. Tous ceux qui sont tombés dans les guerres d'Israël, mais aussi les victimes d'attentats terroristes, cela fait beaucoup de monde. Très exactement 24.068 combattants tombés depuis 1860 et 56 au cours de l'année écoulée. Et 3.199 civils depuis 1948.
Il y aura beaucoup de discours au fil des cérémonies pour cette journée du souvenir. Les plus officiels prononcés sur le parvis du Kotel et au Mt Herzl à Jérusalem, par le chef d'état-major de Tsahal et par le Premier ministre. Mais aussi les plus intimes, ceux que l'on va écouter dans les écoles, les centres communautaires de quartier, où tout le monde se connait, et où ceux qui parlent sont des parents, des amis, d'anciens professeurs, qui parlent de ceux qu'ils ont perdus, de ceux qu'ils ont connus. C'est une autre dimension, mais peut-être plus concrète. C'est le moment où l'on redécouvre une stèle discrète, qui rappelle le nom de victimes d'attentats et qui vient d'être fleurie. C'est le jour où les seuls embouteillages sont ceux qui signalent l'approche des cimetières militaires et civils, où les familles vont se recueillir sur la tombe de leurs proches disparus. Et cette année viennent s'ajouter les victimes des bombardements du Hamas durant l'opération Gardien des Murailles de mai 2021. Et ceux qui portent encore le deuil des seize victimes des attentats terroristes perpétrés depuis le mois de mars, et dont la plus récente a été assassinée vendredi soir à l'entrée d'Ariel.
Pour ces familles endeuillées, un terme que les Israéliens connaissent bien, cette journée de commémoration nationale est importante, même si elle ne fait qu'aiguiser une douleur toujours présente. Mais ce jour-là, ces familles savent que tout le pays est au diapason et que leur deuil est celui de tout le peuple. Un peuple qui, ce soir reprendra ses habits de fête pour célébrer l'anniversaire de l'indépendance, dans une transition qui semble inconcevable par sa soudaineté, mais qui fait partie intégrante de la résilience israélienne.
Pascale Zonszain
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