Du deuil à la renaissance

Israël.

Du deuil à la renaissance
(Crédit : GPO)

Ce qui s'est passé hier au Mont Herzl, était sans conteste un incident douloureux. Alors que le Premier ministre israélien allait s'adresser aux familles des victimes d'attentats terroristes lors de la cérémonie d'hommage annuelle, plusieurs personnes, environ cinq ou six, ont hué et insulté Naftali Bennett. Durant cinq longues minutes, les cris ont fusé dans sa direction. D'autres invités ont demandé aux protestataires de se calmer, sans succès. Et pendant ce temps, Naftali Bennett est resté à la tribune, attendant que la tempête passe et déclarant simplement aux familles : "vous avez le droit de crier. Vous avez le droit d'avoir mal". Cette scène très difficile pour tous ceux qui y ont assisté, n'est évidemment pas exempte de politique. Depuis déjà plusieurs jours, des appels de familles endeuillées réclamaient des membres du gouvernement qu'ils ne participent pas aux cérémonies de commémoration. Elles leur reprochaient leur accord de coalition avec le parti islamiste Ra'am, émanation politique du Mouvement islamique arabe israélien, qui n'a jamais caché ses liens avec le Hamas. Pour certains, cette alliance est inacceptable et impardonnable.

Mais cet incident est aussi l'expression d'une composante de la société israélienne, qui se dit en hébreu "Sh'khol" et que l'on peut traduire par deuil ou perte. Sauf qu'en réalité ce concept est intraduisible. Ceux qui ont perdu un proche dans une guerre ou un attentat terroriste passent du côté du "Sh'khol". Ce vide laissé par les victimes fait désormais partie de leur vie et leur vaut un traitement particulier du reste du pays. Ils sont ceux qui ont perdu une partie d'eux-mêmes et on doit respecter leur douleur. Ils ne sont pas définis par elle, mais tout le monde la connait. C'est même souvent une des premières choses que l'on apprend d'une personne, sans que l'on sache vraiment comment. Et comme un code non écrit, on évitera de réveiller leur peine, on guettera leurs signes de faiblesse ou au contraire on admirera leur force. Et quand leur chagrin s'exprime, quel qu'en soit le déclencheur, on le laisse s'exprimer, même quand c'est de la colère. C'est ce qui s'est passé en ce Yom Hazikaron au Mont Herzl. Et Naftali Bennett a réagi comme le font dans ce cas tous les Israéliens. Il a respecté leur douleur.

Cette blessure permanente est aussi un marqueur identitaire de la société israélienne, un traumatisme qui explique qu'elle se vive comme cherchant sans cesse à combler un vide et à avancer malgré ce vide. Parce qu'il ne faut jamais oublier, mais aussi choisir la vie. Et comme lorsque l'on sort d'un deuil, c'est la pulsion de vie qui est le seul moteur, plus ou moins puissant, mais crucial. Cette force, elle est  à la fois individuelle et collective. En célébrant au soir de ces cérémonies du souvenir, la fête de l'indépendance, c'est ce besoin de sortir du deuil qui se manifeste. Une pulsion de vie qui va balayer tout le reste. C'est intense, presque violent, mais c'est ce qui permet aux Israéliens de se remettre debout. Il y a surement d'autres façons de s'y prendre, mais c'est celle des Israéliens. Chaque année, c'est comme une renaissance. Et c'est là qu'Israël puise sa force.

Pascale Zonszain

pzoom050522

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