Aujourd’hui, 5 Iyar, Yom Haatzmaout, on célèbre l’indépendance d’Israël, proclamée le 14 mai 1948. C’est une grande fête joyeuse, souvent une réunion autour d’un mangal, barbecue turc naturalisé israélien. Les anthropologues dissertent savamment sur les liens de ce repas aux brochettes avec la psyché israélienne, les hypothèses allant du rappel des feux de camp des premiers pionniers au machisme carnassier des hommes du pays d’Israël. Je n’ai pas d’opinion.
Comme le verre que l’on casse sous la Houpa pour rappeler que la joie ne doit pas occulter les drames passés, Yom Haatzmaout est précédé de Yom Hazikaron, le jour du souvenir. Souvenir des soldats et gardes tombés en combat depuis 1860, l’année où quelques Juifs ont osé s’installer hors de la vieille ville de Jérusalem. Souvenir des victimes du terrorisme. En tout, 28 284 hommes, femmes et enfants.
Mon petit fils qui vient d’entrer à l’armée a représenté son unité parachutiste à la cérémonie en l’honneur d’un soldat de la même unité tué en 1974. Il a appris la vie de ce jeune homme de son âge et au cimetière, il a rencontré sa famille. Les parents étaient des Juifs de Turquie, tout comme le grand père maternel de mon petit fils. Un fil invisible relie les uns aux autres des Juifs de toutes les origines. Dans des circonstances pareilles, ce fil devient un lien indestructible.
Les spectacles sont fermés, les plages sont vides et lorsque la sirène retentit, le pays s’immobilise, les conducteurs sortent au garde-à-vous près de leur véhicule et celui qui continuerait sa route alors, c’est comme s’il avait craché sur Israël.
Dans chaque école, on parle des jeunes qui l’avaient fréquentée et qui ont disparu, devant une assistance habillée en blanc d’enfants et de leurs parents . 48 pour l’école des enfants de mon fils, plusieurs heures de témoignages, sans aucun appel à la haine.
Entre les célébrations officielles devant le Mur ou le Mont Herzl et celles, innombrables, dans les cimetières, les lieux d’étude et de travail, Yom Hazikaron est le foyer vivant du patriotisme israélien. C‘est un patriotisme de proximité. Le pays commémore -le terme prend ici tout son sens- des morts qui sont bien plus que des noms. Ils ont une histoire, ils ont une famille et ils sont insérés dans des réseaux de sociabilité qui englobent la plupart des assistants aux cérémonies. Là est le sentiment du commun, ce sentiment qui a tellement de mal à reprendre corps en France que certains croient devoir le doper aux drogues identitaires.
On sait que pour Yom Haatzmaout, les ennemis d’Israël font feu de tout bois. Mais cette année, la palme a été remportée par le Ministre des Affaires Etrangères de la Russie.Serguei Lavrov a déclaré que Hitler étant probablement Juif, il ne fallait pas s’étonner que le gouvernement ukrainien soit nazi tout en ayant un Juif à sa tête.
Dans les mémoires qu’il écrivit à Nuremberg avant d’être pendu, Hans Frank, ex-gouverneur général de la Pologne occupée et ancien juriste personnel de Hitler, prétendit avoir enquêté sur la famille de son illustre client, dont le père était né hors mariage.La grand-mère travaillait pour une famille juive de Graz, cette famille aurait aidé à l’éducation de l’enfant. De là à conclure que le chef de famille était le vrai géniteur, il n’y avait qu’un pas….
Des historiens ont conclu à un bobard. Cela n’a pas empêché Lavrov, se moquant de la réaction indignée de Yair Lapid, de prétendre que les Israéliens avaient une attitude anti-historique. On sait le soin que la tradition russe accorde à l’exactitude historique, entre la fabrication des Protocoles des Sages de Sion et l’exaltation de la surhumaine bonté de Staline, l’un des pires assassins de l’histoire. J’ai personnellement assisté au Kremlin il y a quinze ans à un discours surréaliste de Poutine expliquant qu’il y avait du nazisme partout, y compris chez les Juifs en Israël, partout… sauf en Russie.
Je ne savais pas que pour lui être nazi signifiait simplement être opposé à la Russie.
Les paroles de Lavrov sont accueillies avec délectation par l’Autorité Palestinienne et tous les affidés de l’Iran qui, à longueur de temps, parlent des Israéliens comme pires que les nazis, cachant leur inavouable sympathie pour un nazisme éradicateur de Juifs.
Ces paroles iront imprégner, sous la rubrique qu’il n’y a pas de fumée sans feu, le courant de détestation d’Israël des wokistes, insoumis et autres racialistes.
Elles n’empêcheront pas, soixante quatorze années après sa création, l’Etat d’Israël d’être le mouvement d’indépendance nationale le plus extraordinaire de l’histoire.
Richard Prasquier
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