A la Knesset, le camp de ce que l'on ne peut déjà plus appeler la majorité, est à stricte égalité 60-60 avec l'opposition. Ce qui va empêcher le gouvernement Bennett de conduire les réformes de fond qu'il avait projetées, en particulier dans le domaine des relations entre la religion et l'Etat, mais aussi sur la limitation des mandats du Premier ministre ou le projet qui visait à interdire à un élu inculpé de former un gouvernement. Sur ce dernier point pourtant, cela devrait plutôt faciliter la vie de Naftali Bennett, qui n'y était pas favorable, car cela aurait exclu toute possibilité de réconciliation ultérieure avec le Likoud.
Mais le chef du gouvernement israélien ne peut même pas se permettre de regarder aussi loin. Car pour lui, c'est une navigation au jour le jour qui s'engage. Devant la Knesset, il doit se limiter à présenter les projets de loi les plus neutres et les plus consensuels, en espérant que les partis d'opposition ne feront pas un barrage systématique à des mesures sociales, du type indemnisation des commerces et artisans impactés par la crise sanitaire. Car il est important pour le gouvernement de ne pas accumuler les échecs au parlement et de montrer qu'il peut fonctionner, même en situation de minorité. Le gouvernement va également tenter de faire adopter le Budget de l'Etat pour 2023, sachant que contrairement à une loi de Finances sur deux ans, le vote du budget pour une année n'a pas besoin de la majorité absolue.
Mais avant d'en arriver là, Naftali Bennett devra également prendre en compte la conjoncture, notamment sécuritaire. Que se passera-t-il si le gouvernement décide d'une opération militaire contre la Bande de Gaza ? Il est hautement probable que, s'il ne l'a pas déjà fait avant, le parti Ra'am quittera la coalition, la laissant en minorité avec 56 sièges à la Knesset. Et il n'est pas certain que l'opposition de droite soutiendra le gouvernement déjà chancelant et alors que le Likoud l'accuse d'être responsable de la dégradation sécuritaire par son alliance avec le parti islamiste.
Pourtant, la situation n'est pas forcément meilleure pour l'opposition. Si elle peut sérieusement entraver la marge de manœuvre du gouvernement, elle n'est pas assurée de pouvoir le faire tomber et va plutôt miser sur son effondrement de l'intérieur. Dans l'état actuel du rapport des forces politiques, l'opposition est composée du Likoud, des partis orthodoxes et de la Liste arabe conjointe, qui ne suivra pas aveuglément le parti de Benyamin Netanyahou. Et dans ce cas, même en comptant sur les voix des deux députés Yamina qui se sont retirés de la coalition, l'opposition n'atteindrait toujours pas les 61 voix nécessaires pour une motion de censure ou une loi de dissolution du parlement. Il faut donc au Likoud obtenir plus de défections dans les rangs de la coalition, sachant qu'elles seront de toute façon individuelles, à l'exception peut-être du parti Ra'am. Et aucun chef de parti de la majorité ne souhaite à ce stade rompre l'alliance, sachant qu'en cas d'élections anticipées, ils seraient très probablement pénalisés dans les urnes.
Techniquement, le gouvernement Bennett-Lapid, s'il évite tous les écueils politiques à venir, et même s'il ne parvient plus à faire adopter aucun de ses projets de loi, peut tenir jusqu'à la fin mars prochain, puisque le Budget 2022 a été passé l'automne dernier. Et il ne serait pas le premier gouvernement minoritaire à se maintenir en place. Sauf qu'aucun n'avait jamais tenu sur une coalition aussi hétéroclite.
Pascale Zonszain
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