A l’heure ou Daesh menace de nouveau l’Europe, la France et la communauté juive , je souhaitais revenir sur ce témoignage du journaliste, grand reporter Nicolas Henin compte si vous y étiez ce mardi 3 mai 2022
Cérémonial : l’huissier fait entrer Nicolas Hénin. Costume gris et cravate bordeaux, il se présente comme "consultant". Connaissiez-vous l'un des accusés avant les faits ? "Je ne suis pas sûr". "J'ai été pendant une grosse quinzaine d'années reporter de guerre en Irak puis pendant les Printemps arabes. En juin 2013, j'ai été pris en otage par l'Etat islamique avec trois autres journalistes français à Raqqa en Syrie. Après dix mois comme otage, il est libéré. Il a alors décidé de quitter le journalisme pour s'engager dans la prévention du terrorisme et est désormais consultant dans ce domaine".
Nicolas Henin va décrire son expérience d’otage et malgré les conditions terribles , garder son œil de journaliste. Comme s'il voyait "à travers une web cam" qui lui transmettrait des informations parcellaires sur l'Etat islamique mais en continu pendant dix mois. "J'ai assisté, nous avons assisté avec les autres otages, à la gestation du groupe qui allait devenir la cellule Opex de l'Etat islamique qui va mettre en œuvre les attentats en Europe." Cette cellule d'Opex était d'abord constituée comme des preneurs d'otages. En tout, 24 otages, dont 19 hommes, ont été capturés en l'espace de 13 mois par cette cellule. L'ancien journaliste détaille ensuite les différents ravisseurs de la cellule et les pseudonymes que les otages leur avaient donnés. Nicolas Hénin indique que cette cellule était issue de la Liwa as Saddiq, unité d'élite de l'Etat islamique.
Durant cette prise d'otages, Nicolas Hénin a croisé Oussama Atar, considéré comme le commanditaire des attentats, accusé dans ce procès mais présumé mort en zone irako-syrienne. L’ancien journaliste assure que lors de sa première rencontre Oussama Atar essayait de dissimuler le fait qu'il était francophone et qu'il a assisté à l'exécution de neuf des otages avec lequel Nicolas Hénin se trouvait. Nicolas Hénin explique aussi avoir eu un dialogue "privilégié" avec Najim Laachraoui, djihadiste belge, qui s'est fait exploser le 22 mars 2016 à l'aéroport de Bruxelles. Il a ainsi pu recueillir ses motivations dans la participation à cette cellule djihadiste.
Le président l'interroge sur les violences subies pendant leur détention. "La privation de liberté sans certitude d'en sortir vivant est déjà d'une violence extrême. Ces dix mois à attendre la mort étaient déjà une forme de torture". "Les 24 otages, nous avons tous été frappés avec des chaînes, des câbles, des matraques. Moi-même j'ai eu droit à quelques séances de torture assez sophistiquées à l'issue d'une tentative d'évasion qui m'ont laissé handicapé pendant plusieurs mois. L'objectif était de nous casser moralement et physiquement." L'un des otages a été exécuté pendant qu'il était retenu là-bas, huit autres le seront après sa libération. "Ils nous ont forcés à regarder les photos de notre co-otage exécuté par balle et cette photo a été envoyée par courrier électronique à mon épouse et par chance, ce courrier ne lui est jamais parvenu".
La Cour interroge Nicolas Hénin sur Mehdi Nemmouche qui faisait partie de ses geôliers et qui sera l'auteur de l'attentat du musée juif de Belgique le 24 mai 2014. "Il nous disait : 'Tu seras témoin à mon procès.' Il voulait se faire voir, que l’on puisse témoigner de son parcours djihadiste". Il venait de temps en temps faire passer des quiz aux otages sur des thématiques scientifiques.
Comme toujours dans ce procès historiques, les questions des avocats des parties civiles qui veulent en savoir plus. Me Seban demande au témoin s'il a été entravé pendant les dix mois. Nicolas Hénin explique qu'après sa tentative d'évasion, il a été enchaîné en chien de fusil. Puis, l'un de ses co-otages leur a montré comment avec un objet du quotidien "que je ne citerai pas pour des raisons évidentes", on pouvait se libérer des menottes. Me Chemla trouve que l'ancien otage a fait preuve de beaucoup de pudeur sur la description de ses conditions de détention. Nicolas Hénin rappelle qu'outre les violences et la privation de liberté, il a "dormi pendant dix mois sur un sol nu"
Me Szwarc, avocate des parties civiles, interroge le témoin sur les visites qu'il mène en prison. Nicolas Hénin explique que les détenus qu'il rencontre sont souvent intéressés par son travail de journaliste. En Syrie, après l'enlèvement de tous ces journalistes et de tous ces humanitaires, c'est la population syrienne qui en a été privée", dit-il. "Chaque homme sur terre devrait pouvoir avoir accès à un journaliste pour pouvoir raconter les injustices qu'il vit et devrait pouvoir avoir accès à des humanitaires", conclue Nicolas Hénin.
Michel Zerbib
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