Son nom avait été gardé secret durant plus de trois ans, mais la censure militaire a fini par lever l'embargo : l'officier de Tsahal tué à Gaza en novembre 2018 était un Druze. Le Lieutenant-colonel Mahmud H'ir Al Din, dont le comportement héroïque lui avait valu la distinction de l'état-major à titre posthume était un des nombreux officiers druzes à servir dans les rangs de Tsahal et souvent dans les unités les plus prestigieuses, tout comme d'autres membres de la communauté servent dans les services de sécurité ou dans la police. Car il y a une tradition combattante dans cette petite communauté, présente dans plusieurs pays de la région, dont la Syrie et le Liban. C'est d'abord une religion, monothéiste, dont l'origine remonte au Xe siècle et qui est une scission de l'islam, dont elle a subi les persécutions. Le culte y est secret, réservé seulement aux initiés et rejette tout prosélytisme, ce qui en fait une communauté totalement fermée. Les Druzes reconnaissent le Coran mais ne pratiquent pas les cinq commandements fondamentaux de l'islam.
Et les Druzes prônent la loyauté envers l'Etat, juste après celle envers la communauté. Ce qui explique que les Druzes présents en Israël avant l'indépendance aient pu choisir, dès les années 20 du siècle dernier, le mouvement sioniste contre les Arabes. D'abord neutres, les Druzes se sont engagés aux côtés des Juifs, car ils voyaient dans le conflit un aspect religieux plus que nationaliste. Dans les mois qui suivent l'indépendance, Tsahal crée une unité des minorités, où combattent des volontaires druzes, chrétiens, bédouins et Tcherkesses, devenus citoyens israéliens. En 1956, ce sont les chefs de la communauté druze qui demandent à Ben Gourion de leur imposer le service militaire obligatoire, et un an plus tard, ils sont reconnus comme minorité religieuse. Depuis, leur engagement aux côtés d'Israël ne s'est jamais démenti. Leur communauté compte environ 145.000 personnes, dont un peu plus de 120.000 sont citoyens israéliens, les 25.000 autres étant des résidents du Golan, conquis sur la Syrie en 1967 et qui dans leur grande majorité, ont refusé de prendre la citoyenneté israélienne. La communauté druze israélienne vit dans plusieurs localités du nord du pays.
On l'a dit, les Druzes servent dans les forces de sécurité, mais sont aussi hauts fonctionnaires, magistrats ou médecins. L'actuel commissaire au Covid, le Pr. Salman Zarka est un Druze. Sur le plan politique, ils votent à plus de 80% pour des partis sionistes, aussi parce que les partis arabes israéliens les considèrent comme acquis aux Juifs. C'est pourquoi la minorité druze avait mal reçu la loi sur l'Etat-nation votée en 2018, qui avait affirmé le caractère national juif de l'Etat d'Israël, sans rappel de la place des Druzes. La communauté souhaitait voir son statut et son égalité de droits sanctuarisés, alors qu'ils ont les mêmes devoirs et les mêmes charges que la majorité juive.
Depuis, le débat n'a pas été réglé. Ceux qui s'opposent à l'inclusion de la communauté druze dans la loi, l'expliquent par le risque de créer un précédent qui finirait par réduire, voire par supprimer le caractère juif de l'Etat d'Israël. Ceux qui y sont favorables estiment qu'il faut accorder une place à cette minorité particulière. Elle ne représente qu'1,5% de la population et mériterait peut-être une reconnaissance à la hauteur de son engagement, sans mettre en péril le projet sioniste.
Pascale Zonszain
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