Un retour dans cette grande salle remplie de témoins , de journalistes et d’avocats .Mathieu est en fait le premier rescapé à prendre la parole. Ce 13 novembre 2015, il n'avait pas de billet pour le concert des Eagles of Death Metal. Il fera tout pour en trouver en se rendant devant le Bataclan . Il en achète à un homme qui ne pouvait assister au concert. Les premiers tirs… il pense tout de suite "à un règlement de comptes". Puis dit il « j’ai compris qu'il fallait me cacher. » « J’entendais tout, les cris, les cris de panique, de terreur, les suppliques, je suis entré dans une autre dimension, une dimension dramatique et historique. » Puis l'homme raconte avoir entendu qu’« un des terroristes égrener le décompte macabre ». « Quand les tirs se sont rapprochés, j'ai accepté que j'allais mourir là, puis les tirs se sont éloignés. Parmi les sons, j'entendais le râle de souffrance d'un homme à quelques mètres de moi et j'entend les armes qu'on recharge. »
Ces deux rescapés du Bataclan habillés de noir , mardi 17 mai, ont été l’objet d’une attention particulière : Eden Galdino et Jesse Hughes étaient sur scène ce soir là. Le guitariste et le chanteur des Eagles of Death Metal, ces rock stars qui avaient fait salle comble le 13 novembre 2015, sont venus de Californie pour raconter – très brièvement, moins de dix minutes chacun – comment cette soirée festive s’est transformée en tragédie. Le guitariste des Eagles of Death Metal est le premier à prendre la parole. « Nous étions en tournée à Paris, nous étions très heureux d'être à Paris. C'était un super show, tout se passait bien. Tout le monde passait un très bon moment, tout le monde dansait, tout se passait bien ». Puis Eden Galindo entend les « bruits sourds des fusils ». Je ne savais pas ce que c'était je pensais que le système de son était en train d'exploser ». « Jesse, le chanteur était sur le côté de la scène en train de jouer de la guitare, il revient vers moi en courant. Je lui demande ce qu'il se passe. Il me dit 'Ils sont en train de tirer'. J'ai vu des flashs dans la foule. Je voyais des gens à la première rangée qui nous regardait nous, ils n'ont pas vu ce qu'il se passait. J'ai vu leur expression sur leur visage. »
Eden Galindo poursuit : « On s'est tous mis les uns contre les autres, nous pensions que ça allait s'arrêter mais ça a continué. Ils ont continué à tous tirer en même temps. Ils se sont arrêtés de tirer, ils ont commencé à recharger, tout ça s'est passé un certain nombre de fois. » « La prochaine fois que ça s'arrête, on court » crie un technicien et ça s'est arrêté, on est allé à l'arrière de la scène.» Heureusement Eden Galindo a survécu, comme les autres membres des Eagles of Death Metal. « Je vis une vie différente, je ne serai plus jamais le même ». « Je veux juste dire aux familles des victimes que je pense à eux tous les jours et je prie pour eux tous les jours. »
Comme Eden Galindo, Jesse Hughes est vêtu de noir. Le chanteur dit qu'il "apprécie qu'on lui donne l'opportunité de prendre la parole. Mais il a beaucoup hésité. « J’ai commencé à ressentir de la nervosité à mesure que ce jour approchait. » « Nous vivons une histoire d'amour avec Paris et tous les billets avaient été vendus ». Au milieu de notre concert, j'ai commencé à entendre des tirs. J'ai tout de suite reconnu le son des tirs. » Jesse Hughes quitte alors la scène avec Eden Galindo pour partir à la recherche de sa fiancée . «Je savais ce qu'il arrivait, je sentais la mort qui se rapprochait. J'ai eu cette pulsion d 'aller la trouver. Je ne l'ai pas trouvé à l'étage, j'ai commencé à paniquer »raconte le chanteur très éprouvé par son récit. Finalement, Jesse Hughes et Eden Galindo retrouveront la jeune femme. « Nous avons tous couru pour sauver nos vies avec deux trois personnes. Un ange, Arthur, *nous a mis dans un taxi et nous sommes allés dans un commissariat. » *Arthur Denouvaux
« De notre point de vue, tous les gens qui étaient là étaient nos amis. 90 de mes amis ont été tués de manière haineuse devant nous ». Jesse Hughes remercie les Français qui lui avaient redonné le courage de retourner sur scène. Il considère que les terroriste ont perdu ce soir-là. Pas sûr … « Ils ont échoué à taire la joie de vivre, le mal n'a pas vaincu… Cette tragédie a pu être transformée en un flambeau de lumière. C'est pour cela que j'ai pardonné à ces pauvres âmes qui ont commis ces actes. Je prie pour que la lumière de notre seigneur jaillisse sur eux. » Il finit en citant les paroles d'une chanson d'Ozzy Osborne: « Vous ne pouvez pas tuer le rock'n roll », en anglais.
D'autres témoins s'expriment et ils nous ont fait pleurer encore. Comme Guillaume qui accompagnait une amie qui fêtait ses 40 ans ce soir du 13 novembre 2015. "J'aimerai lui passer un message, en 2025, pour tes 50 ans, appelles un autre ami", dit il avec humour. Guillaume vit avec la douleur des rescapés. Guillaume va voir de nombreuses victimes, tentant de s'enfuir, s'effondrer sous les balles. Lui va réussir à trouver refuge dans une petite salle. "C'est là que je me suis rendue compte que j'avais mal", dit-il, montrant son bras dans lequel il a reçu une balle. "On entend que des bruits, des explosions, ce qui me choque c'est que juste un bruit peut vraiment une torture, dit-il. Tout ce qu'on peut entendre, c'est de la torture."
Guillaume conclut son témoignage: "Je vous pardonne mais avec toute la tristesse d'un adulte qui sait que vous lui avez gâché sa vie."
Il s’adresse à Salah Abdeslam, qui avait proposé aux victimes de se rencontrer si "ça peut les aider". "Je lui fait une demande à mon tour, puisse-t-il oeuvrer, s'il est sincère dans son repentir pour que cela n'arrive plus jamais..." Pardonner ! Est ce vraiment possible ?
"Je ne faisais que travailler. Travailler, rentrer chez moi, pleurer", explique Felix autre rescapé qui avoue avoir consommé trop d'alcool. Avant de commencer une thérapie. Felix se souvient aujourd'hui qu'il était au milieu de la fosse, qu'il a écrasé tout le monde pour s'enfuir du Bataclan. "Je me suis battu pour me rappeler et maintenant je souhaiterais oublier", souffle le jeune homme, obligé de s'interrompre vaincu par l'émotion.
"Je ne suis pas sur le banc des accusés, mais c'est une chose qui me hante, tout le temps …. Je vis enfermé avec ma culpabilité, je voudrais oublier, je voudrais qu'on oublie ces personnes, je veux qu'on finisse ce procès, et qu'on en parle plus jamais." Felix est en larmes, le président intervient: "Vous êtes une victime des tirs, point."
Michel Zerbib
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