Le ministre israélien de la Défense n'a pas été très rassurant dans ses déclarations à la veille de son départ pour Washington. Benny Gantz a en effet estimé que l'Iran n'avait besoin que de quelques semaines pour obtenir la matière fissile nécessaire à la production d'une bombe et averti que plus le temps passe, et plus le prix à payer sera lourd, pour arrêter l'Iran dans sa course au nucléaire militaire. Et c'est aussi mardi que l'on apprenait que Tsahal allait effectuer une première simulation d'attaque contre l'Iran. Elle aura lieu à la fin du mois à Chypre, dans le cadre de l'exercice "Chariots de Feu" qui a débuté la semaine dernière et qui mobilise près de 20.000 soldats autour d'un scénario de guerre multi-fronts, dont celui de l'Iran.
Alors que les pourparlers sur le retour au Protocole d'Accord conjoint sur l'Iran semblaient être proches d'une finalisation après un an de discussions, tout est au point mort depuis plusieurs semaines. Depuis que les Etats-Unis se sont retirés en 2018 de l'accord international sur le nucléaire iranien, le régime de Téhéran a poursuivi son programme d'enrichissement d'uranium. De 12 tonnes d'uranium enrichi en 2015, il a atteint les 60 tonnes aujourd'hui. Ce qui ne veut pas encore dire qu'il soit au bord de la capacité nucléaire. Car s'il ne lui faut que quelques semaines pour atteindre la quantité nécessaire de matière fissile, il lui manque encore entre un an et demi et deux ans pour produire une bombe.
Mais les Etats-Unis et Israël ne sont pas d'accord sur la stratégie à adopter pour empêcher l'Iran d'atteindre ce seuil critique. L'administration américaine pense que le meilleur moyen passe par un accord avec l'Iran, alors qu'Israël considère qu'un retour au format de l'accord de 2015 n'est pas la solution et que le seul moyen de freiner Téhéran passe par des conditions beaucoup plus contraignantes et surtout en lui opposant une menace militaire crédible, et de préférence internationale. Mais Israël est à ce jour le seul pays à préparer une option militaire contre l'Iran, et il voudrait bien être rejoint au moins par son allié américain. C'est ce qui a décidé Benny Gantz à partir à Washington pour s'entretenir avec son homologue américain et avec le Conseiller à la Sécurité Nationale du président Biden. Ses chances d'aboutir sont pourtant faibles voire inexistantes, dans la mesure où pour le moment, l'administration américaine se consacre presque uniquement à l'invasion russe en Ukraine et à la rigueur au dossier de la Chine, qu'elle considère comme la deuxième menace stratégique, laissant loin derrière la question du nucléaire iranien.
Pour Israël évidemment, l'ordre des priorités est très différent. De même que ses alliés arabes, c'est l'agressivité iranienne qui est en tête de liste et le désengagement américain inquiète le nouvel axe israélo-sunnite. Non seulement Israël considère l'Iran comme une menace à l'échelle régionale, mais il l'inclue aussi dans les acteurs hostiles susceptibles de l'attaquer dans le cadre d'une confrontation générale. C'est d'ailleurs l'objet de l'exercice militaire qui va se poursuivre jusqu'au début du mois de juin. Même si depuis 1973, Israël n'a plus été confronté à une guerre sur plusieurs fronts, c'est ce que l'Iran attend. D'où la nécessité pour la défense israélienne de faire savoir qu'elle s'y prépare.
Pascale Zonszain
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