Mevlut Cavusoglu a en fait atterri hier en Israël, mais il s'est d'abord rendu à Ramallah, où il a été reçu par son homologue palestinien et par le chef de l'Autonomie Mahmoud Abbas. Un passage obligé pour le ministre turc des Affaires étrangères qui tient à l'influence de son pays auprès des Palestiniens, même si elle est en recul auprès de l'Autorité Palestinienne et s'est au contraire renforcée depuis des années auprès du Hamas. Et c'est précisément le cœur du problème pour Israël et la cause principale de la dégradation des relations avec Ankara depuis plus de dix ans. C'est d'ailleurs la Turquie qui a poussé à l'organisation de cette visite du ministre des Affaires étrangères, la première en Israël depuis 15 ans, comme elle avait poussé à la visite officielle du président Herzog à Ankara en mars dernier. Le président Erdogan poursuit sa campagne de rapprochement et veut maintenant concrétiser la phase suivante : l'échange d'ambassadeurs entre les deux pays, pour remettre définitivement sur les rails les relations diplomatiques bilatérales et qui sera au cœur de ses entretiens tout à l'heure entre les ministres turc et israélien des Affaires étrangères.
Et il est vrai que Recep Tayyip Erdogan n'a pas ménagé ses efforts depuis près d'un an, pour faire savoir à Israël qu'il cherchait à tourner la page et à normaliser les relations. Le président turc avait facilité l'automne dernier la libération d'un couple de touristes israéliens arrêté à Istanbul pour avoir photographié un bâtiment officiel. Il avait aussi appelé à plusieurs reprises son homologue israélien et annoncé sa visite à Ankara bien avant que l'invité ait confirmé sa venue. Et quand Itzhak Herzog a enfin franchi le seuil de l'imposant palais présidentiel, Erdogan a qualifié sa visite de " tournant historique d'une grande importance. Le resserrement des relations avec l'Etat d'Israël est précieux pour notre pays " avait-il affirmé.
Mais du côté d'Israël, comme l'ont dit non seulement le président Herzog, mais aussi le Premier ministre Bennett, on ne se fait pas d'illusion. La Turquie on le sait, traverse une grave crise économique et compte sur le gaz israélien. Elle cherche aussi à se rapprocher de l'Europe et des Etats-Unis par l'intermédiaire de Jérusalem. Du point de vue d'Israël, les attentes sont plus limitées mais relèvent d'abord de sa sécurité : il s'agit d'obtenir du président turc qu'il retire enfin son soutien et son accueil aux dirigeants du Hamas qui circulent et opèrent librement en Turquie, malgré les demandes répétées de Jérusalem et les engagements non tenus d'Ankara. Naftali Bennett avait pourtant laissé venir le rapprochement turc, expliquant qu'il préférait "jouer sur tous les terrains", si cela pouvait contribuer à stabiliser le Proche-Orient et à freiner les ambitions de l'Iran.
Lors de leur rencontre en mars, les présidents israélien et turc avaient jeté les bases d'un mécanisme de dialogue diplomatique en vue de désamorcer de nouvelles crises dans les relations bilatérales. Il semble avoir commencé à fonctionner si l'on considère que durant le mois de Ramadan, Erdogan s'est montré moins virulent et agressif à l'égard d'Israël, qu'il ne l'était d'ordinaire. Mais la normalisation a ses limites. Et le ministre turc des Affaires étrangères ne renoncera pas à l'image symbolique qu'il tient à rapporter de son déplacement à Jérusalem, celle du Mont du Temple, où il se rendra en visite dite "privée" et sans escorte israélienne. Pour faire le pendant de sa photo serrant la main à son homologue Yaïr Lapid.
Pascale Zonszain
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