Les victimes, leurs parcours individuels sont les thèmes de la plaidoirie de Me Élodie Abraham. « Quand vous cherchez le chiffre de parties civiles des attentats du 13 novembre, vous ne trouvez rien de précis. Il y en a beaucoup trop. J’ai trouvé un chiffre 2 579. » Une victime ? "Ce n’est personne. Mais si je vous dis Louise, Marina…", cite l’avocate : « Certaines vous auront ému plus que d’autres, c’est humain. C’est ce qui nous distingue de la bestialité de ceux qui les ont tués. »
« Au mot victime il est écrit : Nom féminin. Qui a péri dans une guerre, une catastrophe, un assassinat. Pour qu’il y ait une guerre, il faut une déclaration des combattants. Il y a donc eu 132 assassinats. C’est aussi le nombre qui permet de mesurer la gravité des faits", avance l’avocate , qui explique les vies à jamais bouleversées.
« Il ne faut pas oublier les victimes qui ont fait le choix de ne pas être là »,explique l’avocate, qui a que toutes ne se sont pas constituées partie civile durant ce procès. Elle parle aussi de "la majorité silencieuse. On a reproché que le temps de parole des parties civiles fût démesuré par rapport à celui des accusés. Qui, pour certains, ont décidé de ne pas l’utiliser…",dit Me Abraham. 415 parties civiles ont été entendues durant le procès, depuis septembre : « C’est bien peu par rapport aux 2 579 constituées. Les absents de votre cour existent, et ils comptent aussi » Puis l’avocate évoque « la majorité silencieuse, les victimes par ricochet, les proches » (ricochet terme juridique) également constituées parties civiles, “qui ont voulu participer à l’œuvre de justice".
L’avocat , ténor de barreau s’adresse aux juges très doucement. "Par le fait de cette audience aujourd’hui, les experts les plus savants de la vision frontale de la blessure, c’est vous. Il n’y en a pas d’autres. Je vous pose la question : qu’allez-vous faire de ce que vous avez entendu, ressenti ?", lance la robe noire aux juges .
L’avocat monte en puissance : "Des gens sont venus déposer, passage obligé, rituel. Comme si la souffrance des victimes était une parenthèse mémorielle, dont le procès serait le réceptacle, le théâtre, un îlot dans le procès. Et à l’issue de cette parenthèse, il faudrait en revenir au vrai procès, aux vraies questions, au débat des pénalistes."
Les victimes « sont venues car nous sommes, vous êtes, des personnes de justice". Les témoignages de proches, de rescapés, de traumatisés, "ce n’est pas un exutoire social. C’est ça notre travail : réfléchir à ce qu’est un procès criminel, et à la manière dont cette blessure, que vous avez vue, doit être intégré dans votre œuvre de justice avec les autres éléments. Pas à côté … On ne peut pas se contenter de dire "c’est très grave, il y a beaucoup de morts". Ce que vous avez entendu, cette succession de cas différents, ces personnes qui n’approchaient pas car elles ne se sentaient pas légitimes, ou coupables d’être là… Nous devons travailler ces blessures, et avec les moyens de notre droit. Vous avez cette possibilité de donner aux victimes ce que peut donner la justice : l’apaisement, le droit, la réponse de la société à un désordre."
Me Bibal parie sur le futur verdict de la cour d’assises spéciale. Il pose enfin la question de la mémoire : « les journalistes, les chroniqueurs, les historiens, les anthropologues, travaillent à cette mémoire collective des attentats, qui fera débat. Mais dans notre société, Il n’y en a qu’une qui restera comme une trace incontestable, garantie et protégée par la loi : c’est votre décision", en guise de conclusion. Me Françoise Regensberg-Konopny lui succède à la barre.
"Mon propos sera dur et violent, à l’image de ce que les victimes ont subi. Être blessé par des armes de guerre, c’est un traumatisme. Comme le fait de se faire tirer dessus par un autre être humain", Me Dahbia Zegout, qui détaille le parcours de soins compliqué, la longue rééducation et le handicap vécus par des rescapés gravement blessées, qui ont dû "survivre avant de se reconstruire".
Me Marie Mescam parle des blessures psychiques. L’avocate évoque notamment les troubles de stress post-traumatique : "Il y a les blessures physiques qui sont visibles. Mais, aussi bien que le corps humain n’est pas fait pour être à l’épreuve des balles, l’être humain n’est pas conçu pour être confronté à l’épreuve de sa propre mort".
Une avocate fait un sort aux séquelles psychiques des attentats was
D’abord il y a la nuit, moment de répit pour tous où l’esprit se repose enfin. Mais pour la victime de stress post-traumatique, elle est un combat, poursuit Me Emma Dinparast, qui appuie son propos par des dessins projetés dans la salle d’audience. Cauchemars, réveil en sursaut, sueurs froides, terreur nocturne… "Ces nuits sont souvent sans sommeil." Elle aborde ensuite l’état d’hypervigilance.
Les plaidoiries ensuite ont porté sur désormais sur le deuil, "deuxième lame du terrorisme". Puis Les dernières plaidoiries ont été consacrées à la culpabilité du survivant.
Michel Zerbib
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