Le deuil , "la deuxième lame du terrorisme", la chronique judiciaire de Michel Zerbib

France.

Le deuil , "la deuxième lame du terrorisme", la chronique judiciaire de Michel Zerbib
(Crédit : Twitter)

A l’occasion de ces jours de plaidoiries au nom des parties civiles qui vont se poursuivre , on a pu entendre des paroles fortes, profondes, déchirantes . Des paroles d’avocats qui ont essayé de nous faire sentir l’espace d’un moment le deuil sans doute impossible. Oui vous avez raison de parler, s’agissant du deuil de deuxième lame du terrorisme. Rappelons que les plaidoiries ont été organisées par thématiques pour ne pas se répéter .Citons en quelques unes sur ce thème.

Un deuil national de trois jours avait été décrété par le président après les attentats, a rappelé Me Emmanuel Evramesco, qui plaidait avec deux consœurs. « Mais ça, c’est le roman collectif. Celui des victimes ne faisait que commencer, c’est de celui-ci que nous allons parler. » Enfant perdu, conjoint ou compagne décédée, parents, frères ou sœurs mortes le 13-Novembre… « Le combat des endeuillés, c’est le manque. » L’avocat parle notamment d’une maman qui a perdu son fils, et qui est ensuite « morte de chagrin. »

Chacun fait bien sur comme il peut. Les parents d’un homme tué sur la terrasse de la Belle équipe ont dû aller déménager le logement parisien de leur fils. « Comment peuvent-ils continuer à vivre alors que leur enfant est mort ? Sa sœur, elle, a perdu une partie de son avenir, car son frère ne pourra plus partager les moments de vie dans le futur » a raconté Me Emmanuel Lemoine, qui évoque la colère, la perte de repères « après la disparition d’un être aimé. Le deuil envahit chaque recoin de l’esprit, c’est un épuisement physique du quotidien. » Perte d’emploi, sentiment de décalage auprès d’amis ou de membres de la famille… L’avocate a évoqué différentes conséquences du deuil sur le quotidien de ces proches de victimes.

Ce sont Me Aurélie Coviaux et Me Agnès Clément ont plaidé sur ce thème : « La culpabilité n’est-elle pas l’apanage du condamné ? Le droit serait-il inversé ?, lance la première avocate. Certaines victimes vivent un sentiment de honte, s’accablent de mille mots en réactions à la violence des faits qu’elles ont subie. Elles ont réussi à fuir, ont oublié leurs amis dans leur fuite, ou ont choisi la bonne place en terrasse… «  Ces rescapés "ressentent une culpabilité extrême en sachant qu’un autre a perdu la vie, alors que la leur est sauve. »

Car ces victimes étaient présentes sur les lieux des attentats mais ont réussi à s’en sortir, contrairement à une amie, un conjoint, un frère, qui ont, eux, péri sous les rafales tirées par les terroristes. « Le premier réflexe de certains clients était de s’excuser. Certains otages, eux, ont collaboré avec les kamikazes, certains ont été les porte-paroles des preneurs d’otage », disent à la barre les représentantes de parties civiles. « D’autres ont culpabilisé de donner naissance à un enfant dans un monde de fou. Et puis, il y a la culpabilité de ne pas être un héros. Ceux qui ont lâché la main d’un mourant pour se sauver et rester en vie… »

En somme pour ces victimes, « les sanctions sont terribles »

« Ils sont leur propre procureur, plaide une avocate. C’est terrible de ressentir le droit de vivre sous condition. Beaucoup ont changé de profession, se tournant systématiquement vers le droit des autres. Il y a les scarifications, les disparitions, le refus de se constituer partie civile et de se refuser le statut de victime » a conclu sur cette question Me Clément, qui parle de la solitude de ses clients comme « une prison. » Des audiences difficiles parfois étouffantes mais nécessaires.

Les plaidoiries des avocats de parties civiles se poursuivront. L’amour, la mémoire, le goût du plaisir et de la fête… les victimes face à leur destin. En résumé : la vie après les attentats, que ce soit pour les rescapés ou les proches de personnes décédées.

https://youtu.be/RehIrmPRqjE

Michel Zerbib

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