La coopération sécuritaire régionale devient progressivement une réalité. La visite du Premier ministre israélien jeudi à Abu Dhabi en est un indicateur supplémentaire. Et ce d'autant que le même jour, un groupe bipartisan de membres du Congrès américain présentait à la Chambre des Représentants une proposition de coopération défensive aérienne régionale incluant les Etats-Unis, Israël, six Etats du Golfe, la Jordanie, l'Egypte et même l'Irak. C'est un projet que soutient le président Biden en vue de stabiliser le Proche-Orient par un contrepoids face à l'Iran. Les Etats-Unis s'engageront à proposer une stratégie de défense contre tous les types d'attaque aérienne en provenance de l'Iran ou de ses milices supplétives dans la région, y compris des missiles balistiques ou de drones. Cet accord de défense régional est déjà en cours de discussions depuis bientôt un an et s'est déjà traduit par des mesures concrètes, comme le déploiement de radars israéliens dans plusieurs pays, notamment au Bahreïn et dans les Emirats. Ce qui avait permis en février dernier d'abattre deux drones iraniens au-dessus de l'Irak, alors qu'ils se dirigeaient vers Israël, comme l'avait d'ailleurs confirmé le ministre israélien de la Défense Benny Gantz il y a quelques semaines. Cette coopération doit permettre de développer la profondeur stratégique des systèmes de surveillance, afin de prévenir le plus tôt possible les pays membres de l'alliance qui pourraient être visés.
Mais la mise en place de cette coopération ne va pas sans difficultés, puisque sur les 10 pays concernés, six n'ont pas de relations diplomatiques avec Israël : l'Arabie Saoudite, Oman, le Koweït, le Qatar et aussi l'Irak, qui vient d'ailleurs d'adopter une législation interdisant toute normalisation avec Israël, au grand dam de Washington. Avec l'Arabie Saoudite en revanche, les contacts semblent déjà plus avancés, puisque les deux pays n'ont pas démenti des discussions sur une éventuelle normalisation, en premier lieu sécuritaire. C'est d'ailleurs l'un des dossiers que suit activement le président Biden, qui cherche un rapprochement avec Riyad, sur fond de crise énergétique face à la Russie.
Par ailleurs, les accords d'Abraham, signés depuis bientôt deux ans entre Israël, les Emirats et le Bahreïn, ont déjà permis à Israël de se transférer l'an dernier du Eucom vers le Centcom, autrement dit du commandement des forces américaines en Europe, à celui qui couvre la région du Moyen-Orient. Mais ce qui signifie aussi qu'Israël se retrouve dans une alliance américaine comprenant des pays avec lesquels il n'a pas de relations diplomatiques et qui a déjà conduit Tsahal à participer à des exercices, notamment avec la 5e Flotte américaine et d'autres partenaires des Etats-Unis qui ne reconnaissent pas Israël. Mais là encore, cette intégration régionale est plus cohérente qu'un rattachement d'Israël aux forces américaines basées en Europe.
On assiste donc à un recentrage stratégique d'Israël et à son ancrage au Proche-Orient, sous l'égide des Etats-Unis, mais avec des intérêts convergents avec ses voisins, qui doivent bénéficier à sa défense et à sa sécurité. Et c'est de ce projet d'alliance militaire régionale, sorte d'OTAN du Proche-Orient, que le Premier ministre israélien et le président des Emirats tenaient à discuter, hier à Abu Dhabi.
Pascale Zonszain
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