L'abstention, un trou noir, la chronique de Guy Konopnicki

France.

L'abstention, un trou noir, la chronique de Guy Konopnicki
(Crédit : DR)

Quoiqu’il advienne dimanche, avec ou sans majorité absolue, l’effet d’entrainement de l’élection présidentielle, institué par le quinquennat et l’association des deux scrutins, ne fonctionne plus. La composition de l’Assemblée ne satisfera personne. À gauche Mélenchon dénoncera un scrutin de voleurs, parce qu’en faisant jeu égal avec la majorité au premier tour il aura, selon toute probabilité, moins de sièges. Le Rassemblement National pourra se plaindre d’être sous-représenté et il le sera, avec ou sans front républicain dans les circonscriptions où il pourrait l’emporter. De son côté, LR, pour avoir sauvé les meubles, n’en sera pas moins dans la situation fort inconfortable d’une force d’appoint. 

Quant à Emmanuel Macron, il se verra contraint d’oublier Jupiter et de négocier chaque décision avec les composantes de sa majorité et, en bien des cas, avec les oppositions.

Cela s’appelle la démocratie, nous en avions un peu perdu l’habitude, mais force est de reconnaître qu’une moitié des Français se partagent en quatre grands courants d’idées. Ce serait pire si l’Assemblée était élue à la proportionnelle. À gauche, les socialistes, les communistes, les écologistes n’auraient aucune raison de se ranger derrière Mélenchon, chacun se présenterait sous ses couleurs et d’autres courants tenteraient leur chance. Les partis rassemblés dans la majorité présidentielle feraient de même, la droite aussi, le vote d’extrême droite se partagerait sans doute plus en deux ou trois courants. Nous verrions apparaître des partis communautaires, la petite formation musulmane, présente dans quelques circonscriptions, aurait des chances de percer à la proportionnelle… 

Le scrutin d’arrondissement, majoritaire, à deux tours, n’est pas si mauvais, au fond. Il donne une prime à la coalition capable de rassembler au second tour, minimise les formations minoritaires, mais la moitié de la France qui vote se trouve à peu près représentée.

Cependant, il y a comme un trou noir. Un gouvernement peut prévoir les réactions de la France qui vote, il sait, par exemple que la gauche et les syndicats menaceront de bloquer une réforme des retraites par des grèves et des manifestations, cela s’est déjà vu. Mais la France qui ne vote pas est imprévisible, elle peut ou non se joindre à des mouvements sociaux, ou les rendre indéchiffrables, cela s’est déjà vu aussi, quand le pays était paralysé par l’occupation des ronds-points, accompagnée de manifestations incontrôlables.

Avec ou sans majorité absolue, l’exercice du pouvoir devient difficile quand la moitié du pays est une terre inconnue, qui ne s’exprime pas dans les institutions.

Cette terre inconnue n’est pas une province reculée. Paris a une participation légèrement plus élevée que la moyenne, 55%, mais dans cette ville où le prix du logement concentre une population d’un niveau social et culturel élevé, plus de 600 000 électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux urnes. 

L’abstention n’est pas seulement le résultat d’une fracture sociale et culturelle. La dépolitisation est due aussi à l’absence de projet collectif, et à la confusion des idéologies. Et c’est à Paris que l’on atteint le degré zéro de la culture politique

Dans un quartier qui ne semble pas peuplé d’analphabètes, les électeurs ont placé en tête du scrutin un ultra vegan, antispéciste, partisan de la cohabitation avec le moustique, le cafard et le rat d’égout mais tout de même, antisioniste radical, ce qui lui vaut l’investiture de la NUPES… Mais Aymeric Caron, car c’est lui, est une vedette de télévision. Dans un autre quartier de Paris, c’est une avocate de la cause LGBT et de l’homoparentalité, Caroline Mécary qui représente la gauche, pourquoi pas, et, bien sûr, elle affiche un antisionisme si virulent, que pourrait croire que c’est à Gaza et non à Tel-Aviv que se tient chaque année, librement, une impressionnante Gay Pride. A Gaza, tout va bien, on peut assassiner, pour l’honneur, les homos et les lesbiennes. Elle n’est pas encore élue face à Clément Beaune, mais il y a déjà, à Paris, des élus de l’antisionisme. Il y en a toujours eu à l’Assemblée, mais, cette fois, ils menacent de s’imposer dans les quartiers de la capitales marqués par notre histoire, dans le Marais et à Belleville.

A Paris, l’abstention et le succès des extrémistes investis par Mélenchon attestent ensemble de l’effondrement de la culture politique. 

Tout n’est pas fini, le deuxième tour réserve toujours des surprises. Mais nous sommes dans une crise de la vision politique qui rend difficile l’exercice de la démocratie…

Guy Konopnicki

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