Les Européens n'ont pas perdu de temps. Les pourparlers engagés fin avril ont débouché en moins de deux mois sur le protocole d'accord signé ce 15 juin au Caire, puisque c'est un arrangement triangulaire qui a été conclu. Le gaz israélien passera par gazoduc vers l'Egypte, où il sera liquéfié, puis chargé sur des méthaniers qui l'achemineront vers des ports européens. L'accord signé au nom de l'UE par la présidente de la Commission Européenne, était urgent pour les 27, depuis qu'ils ont perdu avec la Russie leur principal fournisseur, suite à l'aide fournie par plusieurs pays européens à l'Ukraine, et qu'il leur fallait donc trouver des sources alternatives le plus rapidement possible. La Russie a fourni en 2021 quelque 155 milliards de mètres cubes de gaz à l'Europe, très loin au-dessus des capacités d'exportation israéliennes. Sur le gaz déjà exploité dans ses gisements off-shore en Méditerranée orientale, Israël exporte 8 milliards de mètres cubes, ce qui une fois déduite sa consommation nationale de 12 milliards, lui laisse encore une réserve de 4 milliards de mètres cubes disponibles pour l'exportation. Et les Européens ont absolument besoin que l'approvisionnement israélien, même avec sa production disponible, soit opérationnel avant le début de l'hiver.
Ce qui veut dire aussi qu'il faudra donc produire plus pour augmenter l'offre à destination de l'Europe, et c'est pour cela que le protocole d'accord prévoit aussi que des entreprises européennes pourront participer aux explorations israéliennes pour développer sa production, de façon à augmenter ses exportations vers l'Europe jusqu'en 2030. Mais Israël, tout comme l'Egypte, resteront prioritaires pour leur indépendance énergétique et resteront libres de vendre leur gaz sur d'autres marchés que l'Europe. Ce qui intéresse les Européens, c'est d'avoir avec le gaz israélien une source sûre et régulière et l'Europe va donc coopérer avec Israël pour développer ses infrastructures pour optimiser le processus de liquéfaction et de transport du gaz, de façon à assurer un approvisionnement rapide.
Cela dit, l'aspect environnemental a aussi été pris en ligne de compte et les technologies utilisées devront limiter au maximum les effets polluants de la production de méthane, et de projets conjoints pour le développement d'énergies renouvelables seront également mis en place, alors qu'Israël, comme l'UE se sont engagés sur des objectifs de décarbonation. Le protocole d'accord signé dans le cadre du Forum du Gaz de Méditerranée orientale, aura une durée de trois ans, renouvelable automatiquement pour deux années supplémentaires.
C'est en tout cas la première fois qu'Israël va exporter son gaz hors de la région, ce qui en fait un acteur sur le marché énergétique mondial, comme l'a souligné la ministre de l'Energie Karine Elharrar, qui a signé l'accord au nom d'Israël. Outre le fait que cela va entrainer un confortable apport de devises - autour de 280 millions d'euros annuels - et aussi resserrer les relations entre Israël et l'Egypte, cette dépendance énergétique de l'Europe à l'égard d'Israël, va certainement influer sur le rapport de forces entre les 27 et Jérusalem. Même si Israël reste un producteur secondaire, comparé notamment aux capacités de l'Algérie, sa proximité géographique et sa fiabilité en font un fournisseur indispensable pour les Européens. Ce qui pourrait avoir un effet positif sur les relations politiques et conduire Bruxelles à se montrer plus attentif aux intérêts stratégiques d'Israël.
Pascale Zonszain
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