Lundi, alors que la tension montait dans les couloirs de la Knesset entre les partisans de la dissolution du parlement et ceux de la formation d'un gouvernement alternatif, le député Likoud Miki Zohar envoyait un rappel à l'ordre aux partis orthodoxes, affirmant qu'ils allaient "se tenir comme des enfants bien sages", autrement dit s'abstenir de toute initiative et surtout de ne pas chercher d'autres alliances du côté des partis du camp adverse. L'insulte du député Likoud a porté, mais la marge de manœuvre des intéressés reste limitée. "Nous ne sommes pas des enfants bien sages. Mais nous sommes avec le Likoud", lui a répondu Moshe Gafni du parti Yaadut HaTorah. Ce qui a déclenché cette friction entre les deux alliés, ce sont les contacts discrets entamés entre le parti orthodoxe ashkénaze et le parti centriste Bleu Blanc de Benny Gantz, qui ont étudié l'éventualité d'une alliance. Les deux partis qui avaient siégé ensemble dans le gouvernement de coalition de Benyamin Netanyahou en 2020, avaient conservé des relations courtoises, alors que les rapports ont toujours été plus tendus avec l'autre parti centriste, celui de Yaïr Lapid. Et le parti ashkénaze n'a pas envie de prolonger son séjour dans l'opposition, pas plus d'ailleurs que le parti séfarade du Shas.
On le sait, trois partis sont restés soudés autour du Likoud : les deux partis orthodoxes et le parti ultranationaliste Sionisme Religieux. L'alliance des partis orthodoxes avec le Likoud est ancienne. Elle a commencé au milieu des années 90, durant la courte période où le système électoral avait changé et permettait l'élection du Premier ministre au suffrage direct, séparément de celle des partis. A l'époque, les deux partis orthodoxes appelaient leurs électeurs à voter pour eux pour le parlement et pour Netanyahou pour la direction du gouvernement. Cette association n'avait depuis été rompue qu'une seule fois, en 2013, quand le chef du Likoud avait choisi de faire entrer le parti de Yaïr Lapid dans son gouvernement. Et deux années de purgatoire du Shas et de Yaadut HaTorah qui les avaient tenus éloignés des financements publics pour leurs institutions et leur secteur, les avaient convaincus de ne pas renouveler l'expérience. Sauf qu'en 2021, la coalition formée par Lapid et Bennett les a, de nouveau, privés du pouvoir.
Et voilà donc que le dilemme se représente. Rester soudé au Likoud semble le choix le plus logique, sauf que si Benyamin Netanyahou se trouve une nouvelle fois dans l'impossibilité de réunir une majorité parlementaire, les deux partis orthodoxes vont rester dans l'opposition pour une durée indéterminée. Par ailleurs, une frange de l'électorat orthodoxe est tentée par des partis de droite : le Likoud, mais surtout le parti ultranationaliste Sionisme Religieux. Cela va de pair avec l'évolution du secteur ultraorthodoxe qui se rapproche du courant dit harédi nationaliste : fidèle à l'orthodoxie religieuse, mais adhérant au sionisme. Il y a donc un risque pour les partis orthodoxes traditionnels de perdre une partie de leur base électorale, ce qui explique aussi que le député Moshe Gafni de Yaadut HaTorah tente de faire passer une réforme pour abaisser le seuil de représentativité à la Knesset. La fidélité au Likoud reste l'option la plus sure, mais une recomposition du paysage politique pourrait aussi faire réfléchir les partis orthodoxes à d'autres formules.
Pascale Zonszain
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