Pour les Israéliens, et surtout ceux qui habitent la capitale, la visite d'un président des Etats-Unis, c'est d'abord la promesse d'une ville en état de siège et des routes impraticables. A Jérusalem, la population se prépare donc à passer deux jours le plus loin possible du centre-ville et de préférence le plus immobile possible. A moins de tenir absolument à rester bloqué quarante minutes en pleine chaleur à chaque barrage, en attendant le passage à grande vitesse du cortège présidentiel de voitures blindées. Il n'est d'ailleurs pas certain que la visite de Joe Biden suscite la même curiosité que celle de Barack Obama en 2013 ou l'émotion de celle de Donald Trump en 2017. Le président démocrate n'a pas le charisme de celui dont il fut le vice-président. Et il ne devrait pas non plus faire de son passage à Jérusalem un moment symbolique, comme lorsque son prédécesseur républicain s'était rendu au Kotel, prélude à sa reconnaissance, quelques mois plus tard, de Jérusalem comme capitale d'Israël.
Au niveau politique en revanche, la visite d'un président des Etats-Unis est toujours un événement important. D'abord parce qu'elle vient réaffirmer l'alliance stratégique, vitale pour la sécurité d'Israël. La supériorité qualitative militaire, le développement de la technologie israélienne de défense sont étroitement liés à l'engagement américain et dépassent la couleur politique de l'administration au pouvoir. Il est donc essentiel que le séjour du président américain se déroule dans les meilleures conditions, sans surprise ni incident.
Et au-delà des acquis à préserver, il y a évidemment les objectifs. En l'occurrence, du point de vue israélien, il y a deux dossiers prioritaires : celui de l'Iran et celui du processus de normalisation avec l'Arabie Saoudite. Le Premier ministre Yaïr Lapid et les dirigeants avec lesquels s'entretiendra le président Biden insisteront sur la nécessité de contenir l'Iran, tant sur son programme d'armement nucléaire que sur ses activités de déstabilisation régionale. Israël aura besoin d'un engagement américain qui aille au-delà de son alignement sur les autres puissances occidentales engagés dans les négociations avec le régime de Téhéran et qui garantisse qu'à aucun prix les Etats-Unis ne le laisseront atteindre la capacité nucléaire.
Sur la normalisation avec l'Arabie Saoudite, les Américains ont déjà mis un bémol aux espérances israéliennes en expliquant que le processus prendrait du temps et qu'il ne fallait pas s'attendre à une percée imminente. Mais là encore, et dans la dynamique des Accords d'Abraham, il peut être de l'intérêt de Washington à faciliter un rapprochement entre Jérusalem et Riyad, qui permettrait de calmer les critiques, surtout au sein du camp démocrate, qui reprochent à Joe Biden de se réconcilier avec Mohammad bin Salman pour son pétrole, en passant sur son régime autoritaire et ses violations des droits de l'homme.
Car cette visite du président des Etats-Unis n'intervient pas seulement dans un Proche-Orient qui change, mais dans un monde en complet bouleversement. Avec la guerre en Ukraine et son corollaire de crise énergétique, mais aussi son potentiel de déstabilisation politique, les Etats-Unis ont plus que jamais besoin de renforcer leurs alliances, y compris au Moyen-Orient. Et Israël pourrait avoir une partie intéressante à jouer et doit donc optimiser les deux jours que Joe Biden va passer à Jérusalem.
Pascale Zonszain
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