Un des points forts de la visite du président américain à Jérusalem aura été la signature avec le Premier ministre israélien de la déclaration conjointe de partenariat stratégique. Un document qui résume et rappelle les fondements de l'alliance qui soude les deux pays et qui énumère les objectifs conjoints qui restent à atteindre. Mais alors que l'on attendait une annonce ou au moins un signe de progrès dans le processus de normalisation entre Israël et l'Arabie Saoudite, la déclaration conjointe ne mentionne qu'une seule fois le nom du royaume du Golfe, et encore pour indiquer que "les Etats-Unis se félicitent du processus de normalisation régionale et qu'ils s'engagent à continuer à y jouer un rôle actif en vue de bâtir une solide architecture régionale, y compris dans le cadre de la visite du président Biden en Arabie Saoudite". Pour le reste, le Premier ministre Yaïr Lapid s'est contenté d'affirmer que la main d'Israël était tendue vers la paix et que c'était le message qu'il chargeait le chef de la Maison Blanche de transmettre à ses interlocuteurs saoudiens.
C'est peu, au regard des attentes et des espoirs d'une percée diplomatique qu'aurait pu faire Joe Biden durant son passage à Jérusalem. L'autorisation de survol du territoire saoudien par les vols commerciaux israéliens et la possible ouverture d'une ligne vers La Mecque pour les pèlerins Arabes israéliens, restent le seul élément concret annoncé par l'entourage du président américain, et non pas - le point est important – dans le cadre d'une des allocutions officielles de Joe Biden avec ses hôtes israéliens. C'est qu'on est encore très loin d'une normalisation sur le modèle des Accords d'Abraham signés en 2020 par le Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Maroc. Et ce n'est pas surprenant.
D'abord parce que le principal objectif de la tournée proche-orientale du président des Etats-Unis est de convaincre l'Arabie Saoudite d'accroitre sa production pétrolière pour compenser le défaut du pétrole russe. La crise énergétique a aussi touché les Etats-Unis où le gallon d'essence a franchi le seuil des 5 dollars et où l'inflation dépasse les 9%, un niveau que le pays n'avait plus connu depuis 40 ans. Et Joe Biden a les élections de mi-mandat dans moins de 4 mois. Et il est vrai qu'il lui est moins humiliant pour le président des Etats-Unis d'arriver en Arabie Saoudite comme un porteur de message de paix que comme un quémandeur de pétrole.
Cela dit, les Américains eux-mêmes sont peut-être moins cyniques qu'ils ne le croient et derrière la célèbre formule "c'est l'économie, crétin" se dissimule un objectif plus large. En poussant l'Arabie Saoudite à établir des relations ouvertes avec Israël, les Etats-Unis obtiendraient l'alliance la plus forte qu'ils puissent rêver au Moyen-Orient, et qui leur permettrait de se désengager de la région avec une certaine assurance de stabilité, en particulier face à la menace iranienne, mais aussi en veillant à ne pas être remplacés par la Chine. Et les facteurs de déstabilisation ne vont pas manquer dans les mois et les années qui viennent, susceptibles d'influer sur les régimes en place, que ce soit la crise économique, l'insécurité alimentaire, les dérèglements climatiques, sans compter l'Iran. Mais l'Arabie Saoudite reste une puissance islamique, et une ouverture totale à Israël représente pour elle une forme de big-bang, un saut dans l'inconnu qu'elle n'est peut-être pas encore prête à tenter.
Pascale Zonszain
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