C’est la question qui se pose de façon de plus en plus prégnante.
Pendant la campagne des législatives avec l’accueil de l’ex-dirigeant du parti travailliste par Danielle Simonnet et Danièle Obono, candidates LFI à Paris ; et ensuite cette semaine, avec le projet de résolution qui qualifie Israël d’Etat d’apartheid et appelle au boycott, signée par 38 députés de cette union de la gauche sur les 150 que compte la NUPES.
La gauche corbyniste telle qu’exprimé dans le débat public usuel, c’est celle dont une forme de radicalité économique se conjugue avec une tolérance à l’antisémitisme ou un réel penchant antisémite. Il y a 2 ans, Jeremy Corbyn a même été exclu du Labour, parti qu’il a dirigé de 2015 à 2020, en cause les réserves qu’il a exprimé à l’époque, sur les conclusions d’un rapport indépendant sur la haine des juifs au sein de la gauche britannique.
L’enquête a été lancé en mai 2019 à propos « de graves inquiétudes publiques concernant des allégations d’antisémitisme et d’un certain nombre de plaintes officielles». C’est l’ONG Campaign Against Antisemitism et le Jewish Labour Movement qui ont lancé l’alerte. Il s’agissait de savoir si le Labour sous Corbyn avait violé l’Equality Act, une loi contre les discriminations, mais aussi de s’assurer que les précédentes alertes avaient été prises en compte par le parti britannique de façon rigoureuse.
L’enquête est menée par La Commission pour l’Égalité et les Droits de l’Homme, c’est un organisme britannique public et indépendant, accrédité par l’ONU. Sur son site internet, il est précisé que son rôle, c’est de « lutter contre la discrimination, promouvoir l’égalité des chances et protéger les droits de l’homme ». Il dispose même de différentes prérogatives légales pour le faire, elles vont de l’assistance et du conseil à la réalisation d’enquêtes et d’actions en justice. Un organisme donc indépendant et fiable, dont le rapport se base sur 70 dossiers. Le résultats de l’enquête est sans appel. Le Labour est bien responsable d’actes illégaux de harcèlement et de discrimination contre des juifs.
Le fameux rapport relève aussi une forme de désinvolture par rapport à l’antisémitisme, il parle d’une culture à l’intérieur du Parti travailliste qui, au mieux, n’a pas fait assez pour prévenir l’antisémitisme et, au pire, pourrait être considérée comme l’acceptant. D’ailleurs, malgré l’engagement du Labour à collaborer à cette fameuse enquête, il y a eu de nombreuses difficultés dans la transmission des documents. Malgré les témoignages de l’intérieur même du parti ou les démissions, Jeremy Corbyn aura donc pu rester 5 ans à la tête du parti travailliste. Même les polémiques comme celle de 2018 n’ont pas été suffisantes, en cause, une de ses prises de position sur Facebook, datée de 2012. Dans laquelle, il s’opposait au retrait d’une fresque murale à Londres, une fresque représentant des banquiers juifs, et reprenant clairement des clichés antisémites. Face au tollé, il a ensuite expliqué ne pas avoir suffisamment examiner le dessin. Ce n’est qu’après la défaite historique du Labour de décembre 2019, que Corbyn a démissionné avant d’être remplacé par Keir Starmer.
Le mandat de Jeremy Corbyn a marqué une réelle rupture entre les juifs et le parti, le Labour qui a pourtant longtemps été surnommé « la maison des juifs ». Le Jewish Labour Movement, le mouvement juif travailliste britannique a été parti prenante de la création du Labour. Pourtant, fait inédit en 2019, il n’appelle pas à voter Corbyn aux législatives en GB. Il se contente de soutenir les candidats du parti qui se sont engagé à ses côtés contre l’antisémitisme. Une jeune militante travailliste qui tient un blog, Sara Gibbs y publie des billets pour raconter, l’impossibilité d’adhérer pour elle au projet de société de Boris Johnson et celle de se sentir orpheline politique vu ce qu’il se passe au parti travailliste sous Corbyn. Bref de ne plus trouver sa place nulle part, « je me sentais anglaise et juive, aujourd’hui, je ne me sens plus que juive » écrit-elle.
L’affaire aurait pu rester de l’autre côté de la manche, relatée par la presse juive ou non, mais elle trouve des échos politiques concrets en France, quand lors des fameuses législatives de 2019. Jean-Luc Mélenchon apporte son soutien à Jeremy Corbyn, dans un billet sur son blog il évoque la défaite historique du leader travailliste accusé pendant la campagne d’ambiguïté face à l’antisémitisme. Le leader de la France Insoumise explique que Jeremy Corbyn a « passé son temps à se faire insulter et tirer dans le dos » et qu’il a « dû subir sans secours la grossière accusation d’antisémitisme à travers le grand rabbin d’Angleterre et les divers réseaux d’influence du Likoud (…) Au lieu de riposter, il a passé son temps à s’excuser et à donner des gages. Dans les deux cas il a affiché une faiblesse qui a inquiété les secteurs populaires. » Jean-Luc Melenchon ajoute « Retraite à points, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogants des communautaristes du CRIF : c’est non ». Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) dénonce des propos inadmissibles et un amalgame aussi choquant que surprenant, et se demande "quel lien existe-t-il entre le Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou en Israël, et les élections britanniques". Dans un communiqué, le président du CRIF Francis Kalifat estime que Jean-Luc Melenchon « tombe dans une dérive complotiste qui en dit long sur l’évolution de sa pensée ». Contacté, l’entourage de M. Mélenchon s’est défendu de tout antisémitisme auprès de l’AFP.
Après avoir Corbyn pour sa campagne aux législatives aux côtés de Danièle Obono, Danièle Simonet a affirmé que l’ex-leader travailliste avait été blanchi des accusations, avec pour preuve, le fait qu’il avait même été réintégrer au parti travailliste. En réalité, le Comité des litiges du parti travailliste qui l'a fait est suspecté "d'interférences politiques" par la porte-parole des travaillistes contre l'antisémitisme. D'ailleurs la réintégration de Corbyn est limitée puisqu'il n'est pas autorisé à siéger au sein de la chambre des communes dans son groupe, donc du côté travailliste. Jeremy Corbyn, qui a lui-même finalement été contraint de reconnaître que les inquiétudes au sujet de l'antisémitisme chez les travaillistes n'étaient pas exagérées. Ces affaires d’antisémitisme outre-manche ont coûter cher à la gauche britannique, reste à savoir quelles conséquences celles qui entachent la NUPES risquent d’avoir.
ES
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