Pourquoi le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, se rend jeudi en Algérie avec Emmanuel Macron

France.

Pourquoi le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, se rend jeudi en Algérie avec Emmanuel Macron
(Crédit: DR)
Une première dans l’histoire du Judaïsme français : la présence du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, lors de la visite du président Emmanuel Macron en Algérie du 25 au 27 août. Une visite officielle en Algérie n’est jamais anodine et ce voyage du chef de l'Etat ne déroge pas à la règle. Le but affiché : relancer les relations entre Paris et Alger et apaiser les « tensions mémorielles ». Un programme en vérité toujours aussi ambitieux et un parcours semé d’embûches tant les mémoires sont encore écorchées vives soixante ans après l’indépendance de l’Algérie. Le très nationaliste président algérien Abdelmadjid Tebboune a donc lancé cette invitation à son homologue français dans ce contexte de tensions qui n’a jamais vraiment cessé depuis l’arrivée à l’Elysée d’Emmanuel Macron en 2017. Ce déplacement s’inscrit dans une suite d’une première visite d’une douzaine d’heures seulement en décembre 2017 au début de son premier quinquennat. Le chef de l’Etat a déjà lors de son entretien téléphonique samedi présenté ses « condoléances au Président Tebboune, à l’ensemble du peuple algérien et aux familles et proches des victimes des terribles incendies des derniers jours ». Emmanuel Macron a fait part à son homologue de la « disponibilité de la France à fournir à l’Algérie des moyens terrestres et aériens pour y faire face ». Offre qui pourrait être banale si les relations entre les deux pays n’étaient pas si compliquées. Ce déplacement historique intervient en réalité à la fin d’un processus chargé de symboles avec le 60e anniversaire des Accords d’Evian (18 mars 1962) qui avaient mis fin à plus de sept ans de guerre entre insurgés algériens et l’armée française et de l’indépendance de l’Algérie du 5 juillet 1962 après 132 ans de présence française. Une séquence marquée à Alger par plusieurs manifestations et déclarations d’une hostilité à la France qui, pour les Algériens, n’a pas assez battu sa coulpe pour les « crimes de la colonisation » alors que Paris osait parfois avancer, prudemment certes, que la colonisation avait aussi produits des « bienfaits » sur cette terre d’Afrique du Nord chargée d’histoire. Non décidément cette visite du chef de l’Etat en Algérie n’est toujours pas admise comme allant de soi des deux côtés de la Méditerranée. En témoigne cette déclaration peu diplomatique de l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt qui ne « voit pas encore l’intérêt d’une telle visite actuellement », dit-il au Figaro. "Il faudrait quand même qu’il y ait des gestes d’Alger sur un certain nombre de nos demandes que sont les les laissez-passer consulaires, les affaires économiques". En vérité ce voyage est surtout fait pour lever les malentendus. Les relations franco-algériennes ont connu un coup de froid lorsqu’en septembre, Emmanuel Macron a reproché au système politico- militaire algérien d’entretenir « une rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendance et s’était même interrogé sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. Ambiance. Depuis, Paris a calmé le jeu mais c’est dans ce contexte que le Président effectue cette visite avec dans sa délégation le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, une première dans l’histoire de la communauté juive de France très largement composée d’originaires d’Algérie comme d’ailleurs le Grand Rabbin lui même (le deuxième après le Grand Rabbin René-Samuel Sirat entre 1981 et 1988).

Pouvoir pèleriner les tombes de juifs

Cette invitation faite par Emmanuel Macron a été très appréciée par Haïm Korsia qui nous confie « qu’elle signifie que le chef de l’Etat est très concerné par cette question ». Le Grand Rabbin s’est depuis longtemps investi dans la question de la préservation des cimetières juifs avec Elie Korchia, président du Consistoire central. Depuis 1962, il n’y a jamais eu de voyage officiel de la communauté juive en Algérie. Le tabou sous fond d’hostilité de surcroît à l’Etat d’Israel par Alger toujours officiellement en guerre contre l’Etat Juif. On se souvient de l’Arlésienne du voyage d’Enrico Macias annoncé depuis 30 ans et jamais réalisé. Aussi pour Haim Korsia ce voyage enfin fait appel « à l’intelligence collective » pour faire confiance « aux peuples ». « Je reçois des centaines de messages de soutiens pour retrouver les couleurs, les odeurs et les lumières de l’Algérie ». Le Grand Rabbin espère « que les juifs pourront pèleriner comme ceux du Maroc et de la Tunisie».

Apaiser les mémoires

La visite du cimetière de Saint Eugène à Alger est un signe. "Je rêverais de pouvoir aller à Tlemcen et à Constantine bien sûr." Haim Korsia aimerait ensuite « pérenniser ses voyages , ce serait extraordinaire », nous lâche t-il avec enthousiasme qui rappelle que c’est l’ambassadeur de France à Alger qui a œuvré "pour la gestion de nos cimetières juifs". Un homme aussi est distingué par le Grand Rabbin c’est Serge Benhaim chargé au Consistoire du relevé de toutes les tombes juives en Algérie. Plusieurs voyages auront été nécessaires. Alors il est facile, conclut le Grand Rabbin de se retrouver dans ce voyage de la mémoire pour faire en sorte que la communauté juive, elle aussi, apporte sa pierre à l’apaisement des mémoires et peut être fasse un signe à Alger et Jérusalem. Tout cela, le Président Macron le sait et c’est la raison pour laquelle cette présence du dignitaire juif pourrait être vraiment historique. Michel Zerbib

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