Deux mois à peine après la fin des débats sur les attaques du 13 novembre 2015, la cour d’assises spéciale de Paris, commence à débattre à partir de ce lundi et jusqu’à la mi-décembre, de l’attentat islamiste de Nice, perpétré le 14 juillet 2016.
7 hommes et un femme en l’absence du tueur de masse
En l’absence de l’auteur de ce massacre, tué par les policiers, sept hommes et une femme seront jugés : trois pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle», passible d’une peine de trente ans de réclusion criminelle, et cinq autres, dont un est en fuite, pour des faits de droit commun (association de malfaiteurs et infraction sur la législation sur les armes).
Un procès hors normes 86 personnes, 318 blessés et 3162 choquées
Ce procès hors normes comme celui du 13 novembre va surtout être le moyen de revivre les faits terrifiants de ce jour de fête nationale. Le soir du 14 juillet 2016, promenade des Anglais, était remplie d’une foule festive de Niçois et de touristes français et étrangers. Mohamed Lahouaiej Bouhlel, un chauffeur-livreur tunisien de 31 ans, a tué, peu après 22h30 et en quelques minutes, 86 personnes, dont 15 enfants, et en a blessé physiquement 318. Il a utilisé un camion - bélier. Hors normes car l’enquête a aussi recensé 3162 personnes «choquées», à vie par la mort et par la peur.
Un tueur absent mais au centre des débats, Daesh revendique la tuerie
Le profil de Lahouaiej Bouhlel rappelle celui de ces «terroristes d’influence» qui ont frappé ces dernières années, comme à la préfecture de police de Paris en 2019 ou à Rambouillet en 2021. Certes le 16 juillet 2016, Daech avait revendiqué l’attaque de Nice en affirmant que le terroriste a «répondu aux appels de l’État islamique».
Deux ans plus tôt, le porte-parole de Daech, Abou Mohammed al-Adnani, avait lancé aux candidats terroristes un appel qui touchera la France et dans les autres pays «mécréants» ( Kouffars): «Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen - en particulier les méchants et sales Français - ou un Australien ou un Canadien, ou tout citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière. Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munitions, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle, ou n’importe lequel de ses alliés. Écrasez-lui la tête à coups de pierres, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le.»
Le terroriste n’était pas lié directement à une cellule terroriste
Pour les enquêteurs, le terroriste de Nice, a répondu à cet appel. Et, pour les juges, même si le lien direct n’est pas établi, cela «n’amoindrit pas pour autant la qualification terroriste qui résulte de manière indiscutable du mode opératoire adopté et de l’inscription (du tueur) dans une démarche idéologique d’inspiration djihadiste plusieurs mois avant les faits».
Le profil psychiatrique du tueur était idéal pour l’Etat Islamique
Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait un profil presque idéal pour le Djihad d’atmosphère (Gilles Kepel) de Daech. Il avait des problèmes psychiatriques. Moins de quatre mois avant le massacre, il avait été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir agressé un automobiliste. L’homme est aussi visé par une procédure pour violences conjugales avec menaces de mort et des actes déments.
Ces troubles psychiatriques et cette violence vont être récupérés à distance et indirectement par les propagandistes djihadistes. Dans les mois précédant l’attentat, il fréquente une mosquée, écoute des récitations du Coran, se laisse pousser la barbe, ne boit plus de l’alcool ,critique les tenues de ses amis ou le fait qu’ils écoutent de la musique . Il consulte surtout des documents, images et vidéos sur des attentats en France et sur les atrocités de Daech.
Radicalisation rapide
La préparation est assez rapide comme sa radicalisation. Le 1er janvier 2016, le terroriste photographie un article sur l’attaque d’une terrasse de restaurant avec un véhicule. Dès le 25 mars 2016, il cherche un camion à louer tout en consultant des informations sur les attaques terroristes et les rassemblements sur la promenade. Il fera des repérages à pied, à vélo puis au volant du camion de 19 tonnes, qu’il loue le 11 juillet. Enfin, à partir de mai 2016 il cherche à se procurer des armes auprès de son entourage.
8 accusés dont 3 principaux de l’entourage du tueur
C’est cette radicalisation rapide et cette préparation qui a conduit aux 8 accusés d’être devant les assises. D’abord pour trois membres de l’entourage du terroriste mais aussi d’un réseau pour l’approvisionnement en armes. Les trois principaux accusés, Mohamed Ghraieb, Chokri Chafroud et Ramzi Arefa, sont accusés d’avoir eu «conscience de l’existence d’un projet» d’attentat sans «connaissance précise» dudit projet ou du «moment de sa réalisation». Seront passés au crible leur relation avec le tueur à l’occasion de la location et de l’utilisation du camion, de la recherche d’armes. Ainsi que les messages évoquant des rendez-vous et la préparation d’une ou plusieurs actions laissant soupçonner «une entente et un projet commun entre les mis en examen» et le terroriste. Les cinq autres accusés comparaissent notamment pour la fourniture, d’une arme au terroriste. Mais aucun élément ne «démontre leur connaissance, même imprécise du projet terroriste».
Michel Zerbib
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