La mémoire s’use si l’on ne s’en sert pas, la chronique du docteur Serge Rafal

France.

Je voulais vous parler de la mémoire pour 3 raisons qui marquent 3 grandes étapes de ma vie : - Etudiant en médecine, je me souviens des efforts quasi surhumains qu’il me fallait pour retenir des pages entières de sémiologie, d’anatomie ou de physiologie ; - Un peu plus tard, quand passionné par le théâtre, j’admirais et me demandais comment un acteur pouvait se mettre en tête et restituer avec l’émotion de la scène, sans souffleur, sans prompteurs et sans oreillettes, les 1600 alexandrins du rôle de Cyrano, ou la prose de Thomas Bernhard ou de Brecht ; - Et maintenant quand je constate comme il m’est difficile de me souvenir dans l’instant du nom d’un acteur connu, du titre d’un film pourtant vu plusieurs fois, ou du numéro de portable de mes enfants. Heureusement l’informatique vient à notre secours. La mémoire fonctionne comme un PC ou un MAC, elle nous permet de saisir, d’enregistrer, de conserver puis de restituer des informations ou des expériences antérieurement vécues. 2 étapes se succèdent : - La mémoire à court terme, qui permet de retenir 5 à 7 éléments maxima à la fois (chiffres, lettres, idées, etc.) mais durant un laps de temps bref, d’environ 90 sec voire moins. - La mémoire à long terme, l’entrepôt où l’information est stockée, plusieurs années, elle. Il y a bien sûr un chef d’orchestre et même 2, les hippocampes, situés sur la face interne des lobes temporaux, chargés de transférer l’information de la mémoire à court terme vers celle à long terme et d’avoir accès rapidement à l’information stockée dans cette dernière. La mémoire implique plusieurs zones du cerveau, il n’y a pas de centre dédié, pas plus qu’il n’en existe un pour la douleur. Comment se constitue un souvenir ? Il y a 3 phases dans ce processus : - L’encodage, c'est à dire la sélection des infos récentes, c’est malheureusement elle qui disparaît précocement dans la maladie d'Alzheimer ; - La consolidation ou stockage qui nécessite un changement de l’activité cérébrale pendant quelques heures : le poème qu’apprend très rapidement mon petit-fils le soir avant de se coucher et qu’il saura pourtant réciter parfaitement au réveil ; - La récupération qui n’est pas toujours parfaite, surtout avec les années : le code de sa CB qu’on cherche, le mot au bout de la langue, le faux souvenir… dont on peut soutenir mordicus qu’il est vrai… On parle de deux mémoires différentes dans le long terme. La mémoire explicite, requiert une part consciente à laquelle nous consacrons seulement 5% de notre temps. Elle est subdivisée en mémoire épisodique (autobiographique, personnelle) et sémantique (le magasin d’infos, notre vocabulaire). La mémoire implicite elle, est procédurale, basée sur la répétition et perceptive avec une mise en place automatique qui ne s’oublie pas : conduire sa voiture, faire du vélo, nouer sa cravate). La mémoire explicite décline avec l’âge, l’implicite reste longtemps intacte. Des facteurs peuvent bien entendu influencer la mémorisation, nous sommes en réalité très distraits, oubliant en 1h la moitié de ce que nous avons appris et en 24h les 2/3, d’où la nécessité d’y revenir, le principe des révisions. Le degré d’attention, de vigilance, d’éveil et de concentration interviennent sur la mémorisation tout comme l’intérêt, la motivation, l'état émotionnel et la valeur affective de ce qu’on souhaite retenir, sans oublier l’environnement (le décor, l’éclairage, les bruits, les odeurs), souvenons-nous de Proust et sa célèbre madeleine. Par l’hygiène de vie (activité physique, gestion du stress, du sommeil, stimulation cognitive) et bien sûr l’alimentation. Je vous ai  parlé le 2 novembre dans cette rubrique de la diète méditerranéenne et d’une de ses variantes, le régime Mind, le plus efficient pour conserver ses neurones fonctionnels. « Il faut écrire ses mémoires avant de ne plus en avoir » écrit Tristan Bernard. Ou la faire travailler. Et même si elle n’est pas un muscle, la mémoire s’entretient et s’use si l’on ne s’en sert pas.   https://youtu.be/ONgWogCmn7I Docteur Serge Rafal

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

Inscrivez vous à la newsletter
La météo locale
La mémoire s’use si l’on ne s’en sert pas, la chronique du docteur Serge Rafal